FICHE COMPLEMENTAIRE SUR

L'ARCHICONFRÉRIE DES PÉNITENTS BLANCS DU GONFALON de Rome

anciennement dite des

RECOMMANDES DE LA VIERGE

 

Il s'agit d'une des seules Confrérie de Pénitents blancs dont nous pouvons suivre l'histoire depuis le Moyen-âge jusqu'à la période moderne, même si certaines périodes restent difficiles à saisir. Son prestige et sa proximité de pouvoir pontifical contribueront en outre à en faire un modèle dont s'inspireront beaucoup d'autres confréries.

 

I   LE CONTEXTE : ROME AU MOYEN-AGE

Avant d'étudier les Recommandés de la Vierge, devenus plus tard Pénitents blancs du Gonfalon, il est nécessaire de revenir sur la Rome du début du Moyen-âge. Centre historique et symbolique de l'Empire Romain, elle avait été désertée par les Empereurs dès le III° siècle au profit de Milan, Constantinople puis Ravenne. De 1.200.000 habitants à la fin du III° siècle, elle n'en comptait déjà plus que 450.000 au moment de la chute de la partie occidentale de l'Empire, et moins de 30.000 au VIII° siècle, c'est à dire quarante fois moins. Désormais entourée d'une enceinte devenue démesurée, elle comptait de vastes espaces ruinés laissés à l'abandon entre les différentes zones encore urbanisées.

Bâtie sur des terres peu propices à l'agriculture, la population de Rome avait toujours dépendue pour sa subsistance des importations de céréales. Mais avec la crise puis la disparition de l'Empire, les autorités civiles n'étaient plus en état de les assurer. Conscients de cette nécessité vitale pour les habitants, les Papes, évêques de Rome, tentèrent de pourvoir à l'approvisionnement et d'organiser les distributions frumentaires. Aussi, à partir du VII° siècle, ils fondèrent des diaconies, dotées chacune d'un patrimoine propre, et placées sous l'autorité d'un laïc, le dispensator,  parfois aidé d'un clerc pour les secours spirituels si cela était nécessaire. Elles furent aussi chargées de différentes actions de bienfaisance, accueil des malades, des pauvres, ... Certaines donnaient aussi asile aux pèlerins attirés par la présence au Vatican des tombeaux des Saints Apôtres Pierre et Paul. Puis au VIII° siècle apparurent les schola, initiatives d'étrangers vivant à Rome et qui se destinaient à l'accueil de leurs compatriotes en pèlerinage.

Mais le XII° siècle vit une profonde réorganisation des institutions cléricales romaines. Les diaconies, sous l'autorité des cardinaux-diacres [1] se confondirent avec les paroisses, dont le rôle liturgique fut confié à des archiprêtres. Les scholae disparurent ou se transformèrent en hôpitaux. Ainsi la schola des Saxon, devenu Hôpital du Saint-Esprit, fut confié en 1204 à l'ordre éponyme fondé par Guilhem de Montpellier. Mais le XII° siècle vit surtout l'extension d'une corporation de clercs et de prêtres, appelée Romana fraternitas ou universitas cleri romani, qui prit de plus en plus d'importance, notamment du fait du retrait des cardinaux-prêtre de leur rôle effectifs dans les paroisses au profit de leur engagement dans l'administration pontificale [2]. Ayant ainsi obtenu le quasi monopole du service des âmes des romains, la Romana fraternitas fut très appréciee du peuple et un fidèle soutien de l'autorité pontificale. Tant par son efficacité, qui rendait moins utiles de nouvelles fondations, que par sa volonté de garder une place centrale, elle retarda l'installation des ordres mendiants et l'émergence d'un réseau de fraternités et de confréries, alors en pleine expansion dans le nord et le centre de la péninsule italique.

 

 

II   LA FONDATION DE LA CONFRERIE DES RECOMMANDES DE LA VIERGE

Toutefois, dans la deuxième moitié du XIII° siècle, le nouvel accroissement de la population de l'Urbs commencé en l'An Mille (approximativement 40.000 [3],  chiffre qui ne fut dépassé que deux siècles plus tard), rendit nécessaire la création de nouvelles structures. C'est dans ce contexte, que si l'on suit la tradition, vers 1260 deux chanoines de la Collégiale Saint-Vital, Giacomo et Agnolo, revinrent à Rome après avoir fait leur pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle. En chemin, ils avaient été impressionnés par le nombre et la piété des Confréries de Pénitents et des communautés de Frères de la Pénitence dans le nord de l'Italie et dans le midi de la France. Avec douze patriciens laïques, ils projetèrent de fonder à Rome une sodalité comparable. Ils s'en ouvrirent au franciscain Saint Bonaventure [4], en sa qualité d'inquisiteur général du Saint-Office.

 

Peu après, en 1264, ce dernier eut une vision qui nous est rapportée ainsi : « La Sainte Vierge lui apparut une nuit. Elle portait un ample manteau d'azur. Sur l'épaule droite figurait, dans un cercle d'or, une croix pattée rouge et blanche, symbolisant le sacrifice sanglant du Christ et l'immaculée pureté de sa Mère. Sous les plis de ce manteau, que les bras de la Vierge tenaient entr'ouvert, le Saint vit une multitude d'hommes et de femmes agenouillés, uniformément vêtus de ce même costume blancs, qui est encore aujourd'hui celui des Pénitents. Et la Vierge, elle même, lui dicta les règles principales de l'Archiconfrérie des Pénitents romains (la Règle de l'Amour du Christ), qui prit, pour ce motif, le titre de Raccomandati della Vergine [Recommandés de la Sainte Vierge Marie] » [5]. Ces statuts, les premiers d'une confrérie de dévotion à Rome furent approuvés par le pape Clément IV en 1267. Dans un premier temps, sans doute en raison de la présence de la Romana fratenitas, toute activité financière leur fut interdite, y compris la tenue d'une caisse de secours pour les pauvres et même pour ses propres membres. Ils ne purent pas non plus procéder à l'enterrement de leurs frères [6]. Ayant adopté la tenue caractéristique des Pénitents, le saccone, ils s'installèrent dans une chapelle latérale de la Basilique Sainte-Marie-Majeure. D'autres sources évoquent dès cette époque une installation dans la chapelle Saint Albert toute proche de la basilique. Outre leurs liens historiques avec les Franciscains, les Recommandés se rapprochèrent  aussi des Dominicains et des Augustins. Il est symptomatique qu'ils se soient ainsi liés aux deux principaux ordres mendiants, qui avaient alors beaucoup de difficultés pour s'implanter efficacement à Rome.

 

 

III   LA TRANSFORMATION EN CONFRERIE DU GONFALON

Entre le second quart du XIV° et le XV° siècle, les fondations de confréries de toutes sortes se multiplièrent, notamment en raison de troubles politique et de la baisse d'influence de la Romana fraternita. Mais toutes n'étant pas viable sur le long terme, elles eurent ensuite tendance à se regrouper. C'est dans ce contexte qu'apparurent, entre autre, quatre sociétés qui s'établirent dans la basilique Santa Maria in Aracœli, église du Sénat, mais surtout aux mains des Franciscains depuis 1248 [7] : « la première sous le titre de la Nativité de Notre-Seigneur ; la seconde sous l'invocation de la Sainte Vierge ; la troisième sous la protection des Saints-Innocents ; & la quatrième prit Sainte Hélène pour patrone & ces quatre Confrairies aient été aggrégées à celle des Recomandés de la Sainte Vierge, l'ont fait érigé en Archiconfraternité comme Mère & Chef des autres » [8]. En tout ce serait une dizaine de societates qui se seraient progressivement unies pour donner naissance, en 1486, à la Compania del Gonfalone, attestant du caractère désormais officiel de cette appellation, érigée en Archiconfraternita del Gonfalone en 1579. D'après Giulia Barone [9], ce sont principalement les Confréries des Recommandés de la Vierge et de Sainte Hélène qui furent l'âme du Gonfalon. Ses très nombreuses fêtes votives gardent encore aujourd'hui le souvenir de ces unions successives.

 

 Ce nom de gonfalon, Gonfalonis Sodalitas, viendrait, selon la tradition, des événements qui se produisirent en 1351. Mais, afin de mieux les comprendre, il est nécessaire de faire un petit rappel du contexte historique de la Rome du XIV° siècle. Durant cette période, l'urbs était en pleine récession démographique, aggravée par les épidémies de peste. Malgré une reprise de la croissance à partir de 1350, la population n'était que de 25.000 habitants [10] à la fin du siècle. Depuis le XII° siècle, la commune était à nouveau administrée par un Sénat, institution héritée de l'Antiquité, composé de différents officiers et dirigé par un ou deux sénateurs. Mais le Sénat était en proie à une instabilité politique chronique. Ce fut la principale cause du séjour des Papes à Pérouse entre 1304 et 1305, puis à Avignon. Pour en revenir à Rome, une dizaine de lignages très puissants, les barons, ayant souvent de grands domaines dans les environs, s'affrontaient régulièrement entre eux, soutenus par leurs gens d'armes et la partie du petit peuple qui formaient leurs clientèles respectives. Se disputant le titre de Sénateur, ils ne cherchaient pas à accaparer toutes les fonctions sénatoriales, mais à ménager leurs intérêts personnels. Cette hégémonie des barons était régulièrement remis en cause par l'émergence de différents régimes du peuple [11] instables, comme, uniquement pour le XIV° siècle, le capitanat de Giovani da Ignano en 1305, la tentative du capitaneus populi Giovanni di Arlotto degli Stefaneschi en 1312, le gouvernement populaire de Sciarra Colonna en 1327-1328 et l'établissement de comités de représentants des rioni [12] en 1339 et 1342. Ces Régimes du Peuple n'avaient rien de commun avec les mouvements ouvriers des XIX° et XX° siècles, mais réunissaient une partie du petit peuple, les corporations d'artisans, les riches marchands, notamment la classe des bovattieri, et la plus grande partie de la noblesse urbaine [13], les nobiles viri. Ils espéraient le retour des Papes, la paix intérieure, un meilleur exercice de la justice et la reprise des guerres extérieures afin de soumettre les villes voisines. C'est ainsi que le 19 mai 1347, fort du soutient de Clément VI, Cola di Rienzo, notaire à la Chambre Capitoline au talent oratoire exceptionnel, réussit à faire convoquer un parlement qui, le 20, le nomma Tribun et l'investit des pleins pouvoirs [14]. Il commença à appliquer le programme politique annoncé. Il expliquait ses réformes à grand renfort de tableaux impressionnants affichés aux murs du Capitole et de bannières historiées lors de grandes processions. Mais, prit par l'ivresse du pouvoir, il perdit le soutien de ses principaux partisans lorsqu'il multiplia les cérémonies fastueuses à sa gloire, annonça une politique d'expansion territoriale irréaliste et prétendit restaurer le droit de conférer la dignité impériale. Le 15 décembre 1347, à la suite d'une sédition populaire des Colonna, pourtant circonscrite à un seul quartier, il s'enfuit, revêtu des insignes impériaux, sans combattre. Les Orsini et les Colonna reprirent le pouvoir, mais le talent d'orateur du tribun avait marqué les esprits.

C'est dans ce contexte que, le 26 décembre 1351, les Recommandés de la Vierge, assemblés dans leur chapelle de la basilique Sainte-Marie-Majeure, soutinrent Giovanni Cerroni, un épigone de Rienzo di Cola, afin de renverser le pouvoir des barons. Voici la narration des événements selon les chroniques l'archiconfrérie du Gonfalon [15] : « Les Pénitents sonnent le tocsin. Le peuple accourt de toutes parts. Les confrères sortent de l'église précédée de la bannière de l'Archiconfrérie : le très saint Gonfalon, sur lequel est représenté l'image de la vision qu'avait eue Saint Bonaventure (…). Le cortège se rend au Capitole où sont assemblés les seigneurs rebelles et leurs hommes d'armes. Un conflit est près d'éclater. L'ascendant des Officiers de la Confrérie est tel, l'attitude du peuple désarmé si digne et résolue que les passions s'apaisent … Cerrone est élu recteur de Rome [16] [Tribun]. En mémoire de cette glorieuse journée, les confrères romains donnèrent à leur Archiconfrérie le titre de GONFALONIS SOCIETAS ». Pour autant la situation n'était pas stabilisée et Ceronne fut renversé dès 1352. Une autre tentative fut menée par Francesco Baroncelli en 1353-1354, avant le retour tragique de Rienzo di Cola durant l'été 1354. La situation politique se stabilisa à partir de 1358 avec l'arrivée au pouvoir communal des Sept Réformateurs puis les Trois Conservateurs qui établirent régime de la Felice Società et une milice chargée du maintien de l'ordre. Après une première tentative d'Urbain V entre 1368 et 1370, Grégoire XI put ramener définitivement la papauté à Rome en 1377. Mais le régime de la  Felice Società se durcissait de plus en plus et l'équilibre de la ville restait précaire. À la fin du siècle, deux partis, les nobiles et les populares qui malgré leurs nom avaient une composition sociale semblable, menaçaient de reprendre les armes. Devant la menace d'une nouvelle guerre civile, Boniface IX reprit en main  l'administration communale en 1398.

 

S'ouvrit alors une période de forte croissance économique et politique, favorable au développement des confréries, notamment celles qui permettaient à des étrangers d'accueillir leurs compatriotes venus en pèlerinage dans la ville éternelle. Outre ces pèlerins, elles regroupaient les artisans et les marchands implantés dans différents quartier de l'Urbs suivant leur pays d'origine. Pourvues d'hospices et d'églises propres, elles étaient sous la protection de leurs compatriotes membres de la Curie. Suivant le même modèle structurel, les gonfalone étendaient leur action sur l'ensemble de la ville, venant en aide aux pauvres et aux miséreux des différents quartier. Ils administrèrent deux hôpitaux : « Cette archiconfrérie dirigea long-temps les hôpitaux de l'Annonciade, hors les murs, sur la voie d'Ostie, et de Saint-Albert à Sainte-Marie-Majeure, lesquels n'existent plus » [17]. Son influence politique était importante même si l'origine sociale de ses membres était moins élitiste que celle  de l'autre grande confrérie romaine de la fin du Moyen-âge, les Raccomandati del Santissimo Salvatore ad Sancta Sanctorum, qui, fondés en 1331, recrutaient  parmi les bovattieri et administraient l'un des principaux hôpitaux de la ville près du Latran. Ces deux sodalités organisaient ensemble la principale procession de la vie romaine médiévale lors de la fête de l'Assomption de la Vierge-Marie. Les manifestations publiques tenaient une place centrale dans les statuts du Gonfalon de 1495. Durant le Carême, les Gonfalone mettaient en scène, dans le cadre du Colisée [18], des représentations sacrées de la Passion et de la Résurrection du Christ. Elles furent mêmes, au XVI° siècle, accompagnées d'un livret illustré rédigés en italien. Mais, en 1539, le Pape Paul III Farnèse dut les interdire, car l'émotion des spectateurs était si forte qu'ils brutalisaient régulièrement les acteurs jouant bourreaux du Christ. Les Pénitents processionnaient aussi durant la Semaine Sainte en battant leur coulpe. Mais avec le temps, leur côté spectaculaire prit une importance démesurée, et elles furent abandonnées.

 

 

IV   LA CONFRERIE A LA PERIODE MODERNE ET SES DEUX CHAPELLES

Bien que la péninsule italique n'ait pas subie de Guerres de religions du XVI° siècle, elle ne fut pas épargnée par les conflits armés, bien au contraire. Elle fut le théatre privilégié des affrontements entre la France et le Saint Empire Romain Germanique. L'un des épisodes de ces Guerres italiennes va avoir une influence directe sur le destin de l'Archiconfrérie du Gonfalon. Il s'agit du sac de Rome perpétré entre le 6 mai 1527 et février 1528 par les troupes de l'empereur Charles Quint, et notamment par ses mercenaires allemands, les lansquenets. La population de Rome, 55 000 habitants juste avant les événements, fut divisée par cinq. En effet au départ de certains habitants et aux massacres s'ajoutèrent les ravages de la peste qui sevit en raison des nombreux cadavres laissés sans sépultures. De très nombreux bâtiments furent aussi détruits, y compris les églises. C'est dans ces circonstances tragiques que les Gonfalone se virent confier la reconstruction des ruines de l'église Santa Lucia située dans l'anse du Tibre. Ils la relevèrent en 1544, mais elle s'avéra rapidement trop petite pour la population d'un quartier en pleine expansion. Les Pénitents en firent leur chapelle privée, l'oratoire Saint Pierre et Saint Paul, aussi surnommé Lucia antiqua. Outre son plafond en bois sculpté représentant Notre-Dame-du-Gonfalon et les Saints Apôtres Pierre et Paul, il contient un cycle de fresques, chef d'oeuvre du maniérisme, qualifié par Gioia Mori d'«ensemble décoratif qui répond le mieux aux exigences de la Contre-réforme» [20]. Ce cycle de fresques fut «commencé à la fin de 1568 pour le jubile de 1575, sous la coordination de Jacopo Bertoja, probablement à l'origine du projet» [20]. Les peintres Federico Zuccari, Raffælino da Reggio, Cesare Nebbia, Marco Pino y participèrent aussi. «Cette décoration se compose essentiellement de douze scènes de la Passion du Christ, encadré de colonnes torses et surmontées de figures de Prophètes et de Sibylles» [20]. Les Gonfalone y organisaient des pompes funèbres réputées pour leur faste. Il se trouve via del Gonfalone, et abrite aujourd'hui le siège de l'association du Chœur Polyphonique Romain qui y organise des concerts en période hivernale.

La taille modeste de Lucia antiqua, sans possibilité d'extension, s'avéra innadaptée à un quartier en plein essort, notamment depuis l'ouverture d'une nouvelle artère large et rectiligne, la via Giulia, qui tranchait avec le lacis des rues médiévales.  En outre l'église était située dans une petite rue et un escalier en rendait l'accés malaisé car il avait fallu en relever le sol afin de la protéger contre les crues du Tibre tout proche. C'est ce qui amena les Gonfalone à construire, entre 1600 et 1610, une seconde église, beaucoup plus grande, pour des habitants du quartier et l'accueil des pèlerins des confréries affiliées. Elle est située au 12 via dei Banchi Vecchi. Ils y firent peindre une copie de la Salus populi romani très populaire image miraculeuse d'une Vierge à l'Enfant dont ils avaient eu la garde durant leur séjour dans la basilique Sainte-Marie-Majeure. La Vierge et l'Enfant furent solennellement couronnés le 30 avril 1666. La façade de l'église fut rebâtie en 1761 par Carlo David et l'intérieur fut complètement restructuré entre 1863 et 1867 par Francesco Azzuri. L'élément le plus remarquable en est la voûte du chœur peinte par Cesare Mariani, représentant la vision de Saint Bonaventure. Elle est actuellement l'église-titulaire du cardinal Francesco Marchisano et est desservie par les Clarétins, responsables de la section romaine de l'Archiconfrérie du Cœur Immaculé de Marie. Les Gonfalone desservaient en outre la chapelle et des reliques de Sainte Hélène en la basilique Santa Maria in Aracœli, souvenir de l'ancienne Confrérie éponyme.

 

L'évolution de l'Archiconfrérie ne se limita pas aux bâtiments. Les réformes introduites par le Saint Concile de Trente eurent des répercussions sur son fonctionnement interne. Les grandes processions et autres spectacles pieux furent réduits et une place plus importante fut accordée aux dévotions personnelles des frères et à l'adoration du Saint-Sacrement, notamment au travers de l'Adorations des quarante heures [19]. Les actions charitables de l'Archiconfrérie se modifièrent à leur tour et s'adaptèrent aux contraintes de leur nouvelle installation dans l'anse du Tibre. D'un point de vue politique, comme la plupart des Confréries romaines contemporaines, le Gonfalon dépendait d'un cardinal protecteur, le Gran Cardinale Alexandre Farnese. Il leurs obtint du Pape Jules III, en 1550, le droit de faire libérer un condamnés à mort par an et d'assurer saréinsertion dans la société. Ce nombre fut porté à deux en 1583. En 1581 ilsfurent chargés, uniquement dans la ville de Rome, de se substituer partiellement aux Mercédaires et aux Trinitaires pour le rachat des captifs chrétiens réduits en esclavage par les Maures. C'est approximativement 5400 esclaves qu'ils libérèrent jusqu'en 1756, notamment grâce à l'octroie des bénéfices d'une taxe sur les jeux de carte. Au XVIII° siècle ils entretenaient un service médical destiné miséreux et fournissaient une dot et un trousseau aux jeunes filles pauvres afin de leur permettre de se marier dignement.

 

Dans la droite ligne de la politique du Gran Cardinale, les Gonfalone continuèrent au XVII° siècle à soutenir les cardinaux Français et Milanais, hostiles aux Habsbourg. A se titre, ils eurent un rôle d'influence dans le gouvernement papal.

 

 

V   LE DECLIN DE LA CONFRERIE ROMAINE - LES CONFRERIES AFFILIEES

Mais en 1798 l'occupation de Rome par les troupes française révolutionnaires, et les troubles qui suivirent, affaiblirent considérablement l'ensemble des confréries romaines. Toutefois après le rétablissement de l'autorité pontificale et le retour à Rome du Pape Pie VII en 1815, il avait été emmené de force en France par Napoléon, le Confrérie reprit ses activités et ses actions charitables. Entre 1850 et 1867 ils font entièrement restructurer et somptueusement décorer l'église Sainte-Lucie par des artistes en vue. Mais c'est la chute des États Pontificaux en 1870 et les confiscations du gouvernement de Victor-Emmanuel II vont entrainer sa désorganisation. Privée des revenus qui lui permettait de financer ses actions charitables, la sodalité romaine s'éteignit progressivement.  Pourtant, après la Première Guerre Mondiale, elle admettait encore des confréries affiliées. Si elle ne compte plus de membres actifs depuis cinquante ans, et n'a donc plus d'existence réelle, elle continuera à vivre, au sens juridique du terme, durant un siècle après la mort de son dernier membre.

 

Mais l'Archiconfrèrie du Gonfalon est elle bien vivante au travers de ses nombreuses confréries affiliées. Dès 1274 Saint Bonaventure, qui représentait Grégoire X au concile de Lyon, fonda dans cette ville une deuxième confrérie sur le même modèle, sans qu'il y ai de trace de relation directe entre les deux. Mais au XV° siècle, à Rome, se mit en place un nouveau système d'affiliation entre confréries, qui fut particulièrement développé chez les Pénitents du Gonfalon : des sodalités d'autres villes, soit préexistantes, soit au moment de leur création, prenaient comme modèle celle de Rome, dite mère, en adoptant tout ou partie de ses statuts et de ses dévotions. En échange ces filles pouvaient bénéficier des indulgences de la Confréries-Mère sous certaines conditions. En outre les frères romains venaient en aide à leurs affiliés, lorsqu'ils séjournaient dans la ville éternelle, notamment lors des pèlerinages jubilaires. Il n'y avait en revanche aucun lien de soumission et chaque Confrérie restait indépendante.

 

À la fin du XVII° siècle et au XVIII° siècle les confréries de Pénitents affiliées au Gonfalon se multiplièrent, notamment dans les villages de Provence, de Languedoc et de Savoie. Il ne s'agissait pas ici de s'inspirer des anciens statuts médiévaux de l'archiconfrérie, mais de se rattacher au symbole qu'elle représentait et de bénéficier des nombreuses indulgences qui lui furent accordées par les Papes. Selon Bernard Dompnier, la plupart des statuts de ces nouvelles fondations se caractérisaient par une très forte soumission à l'autorité paroissiale [21], bien que sur le plan du principe les confréries voilées dépendaient directement de l'évêque et non des paroisses. Néammoins, surtout en milieu rural, le curé était souvent à l'origine de leur fondation, ou du moins y était fortement associé. Il en était membre et même  souvent prieur ou directeur de droit. C'est sous sa surveillance que les frères, et parfois sœurs, élisaient des officiers, ou dignitaires, le premier d'entre eux portant alors souvent le titre de recteur [22]. D'autres modèles voyaient les clercs et les laïcs alterner les postes de prieur et de sous-prieur un an sur deux [23]. Si le mode de présence de l'autorité paroissiale  variait d'une région et d'une compagnie à l'autre, son contrôle direct est bien présent. C'est dans le contexte très différent du renforcement de l'Union des Pénitents blancs du diocèse de Montpellier [24], que les Pénitents blancs de Montpellier s'affilièrent à l'Archiconfrérie des Pénitents du gonfalon de Rome en 1928, intégrant sur le tard cette très riche histoire.

 

 

 

 

 


 

[1]    Le titre de cardinal vient de l'époque impériale où il désignait les principaux officiers de l'Empire. On compte au Moyen Âge trois ordre de cardinaux : les cardinaux-évêques, heritiers des évêques suburbicaires, les cardinaux-prêtres, héritier des prêtres resposables de paroisse, et les cardinaux-diacres, nouvelle appelation des dispensator. En 1059 seuls les cardinaux-êvéques pouvaient élire le Pape, puis le sacré collège fut ouvert aux cardinaux-prêtres et enfin en 1179 tous les cardinaux y furent admis. A partir de 1586 tous les cardinaux devaient avoir reçu les ordres mineurs. Ce n'est que depuis 1917 qu'ils doivent avoir été ordonnés prêtre, puis évêque à partir de 1962.

[2]    Avec la réforme grégorienne et l'internationalisation de l'action des souverains pontifes, ces cardinaux furent de plus en plus souvent des étrangers au monde romain et se virent chargés de missions loin de l'Urbs. Ils conservent encore aujourd'hui le tituli de leur église d'origine, souvenir de leur fonction initiale.

[3]    E. Hubert L'organisation territoriale et l'urbanisation territoriale in Rome au Moyen Âge

[4]    Giovanni da Fidanza (Bagnorea (actuelle Bagnoregio) v.1217 – Lyon 1274) prit le nom de Bonaventure lors de son entrée dans les ordres. Cardinal, surnommé le « Docteur séraphique », il fut ministre général des franciscains. Avec son contemporain et amis Saint Thomas d'Aquin, il est l'un des piliers de la théologie du Moyen-Âge. 

[5]    Extrait de l'acte d'affiliation à l'Archiconfrérie du Gonfalon de Rome, traduite en 1928 par Pierre ROUSSEL, prieur la Confrérie des Pénitents blancs de Montpellier.

[6]    G. Barone, Clercs, moines et frères, in Rome au Moyen Âge

[7]    L. Russo Santa Maria in Aracœli

[8]    Pierre Helyot et Maximilien Bullot Histoire des Ordres religieux monastiques et militaires et des congrégations séculières, Paris 1719 - T. VIII, p.261

[9]    G. Barone, Clercs, moines et frères, in Rome au Moyen Âge

[10]  K.J. Beloch Stroria della popolazione d'Italia cit. p.185-187

[11]  Sandro Carocci et Marco Venditelli : Société et économie, in Rome au Moyen Âge

[12]  Un rione était formé de plusieurs contradae (quartier). Communauté d'habitants dotée d'une personalité juridique, il pouvait détenir des droits et des biens, était dotée d'un conseil composé des hommes adultes qui y résidaient, l'universitas, et d'une administration propre (prévôt, trésorier, notaire). Il y eut, jusqu'en 1586, 13 rioni dans l'Urbs.

[13]  Jean-Claude Maire-Vigueur La commune romaine, in Rome au Moyen Âge

[14]  L'un de ses pricipaux biographe et soutien fut François Pétarque qui avait une vision idéalisée de Rome.

[15]  Rapportées par G. Paillet dans Les Pénitents blancs de Bourgoin, selon une traduction de F. Roussel

[16]  Le terme de recteur de Rome n'apparaitra qu'en 1358 lors du régime des sept réformateurs dit aussi des sept recteurs

[17]  E. de Bazelaire, traduit par Mgr Morichini Des institutions de bienfaisance publique et d'instruction primaire à Rome  Paris 1841 p.194

[18]  Il ne faut pas confondre ces représentations sacrées avec la pratique de la Via Crucis promue par l'archiconfraternita dei Amanti di Gesù e Maria al Calvario, dans ce même Colisée, à partir de 1750. Une grande croix de bois venait d'être placée en son centre par Benoit XIV, en 1747, et 14 chapelles liée au chemin de Croix  restaurées.

[19]  La dévotion des Quarante Heures est une forme d'adoration continue qui apparaît dans le diocèse de Milan au XVIem siècle. Elle est étendue en 1592 par Clément VIII par la constitution Graves et diuturnae.

[20]  G. Mori La peinture du XVIem siècle, les solutions figuratives, in L'art de Rome

[21]  Ce cas de figure est évoqué dans les Status de l'U.C.P.B.D.M. de 1876 et de 1912

[22]  L'exemple nous en est donné par la Confrérie des Pénitents du T.-S. d'Allex. Il s'agissait de la transformation d'une confrérie paroissiale, comme l'a montré l'abbé L. FILLET (in Règlement de la Confrérie du T.-S. Sacrement d'Allex, diocèse de Valence, précédée d'une notice gistorique sur cette Confrérie - Valence 1892)

[23]  Cette disposition est statutaire chez les Pénitents bleus de Bretenoux, mais cette alternance se retrouve aussi chez des Pénitents blancs du Gonfalon.

[24]  Notée  U.C.P.B.D.M. en note.

 

 

 

 

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HISTOIRE DE LA CONFRÉRIE