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HISTOIRE DE LA CONFRÉRIE
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Les Pénitents sont des catholiques, principalement des laïcs (qui ne sont ni des prêtre, ni des moniales ou des moines, ni des religieux ou des religieuses) qui ont choisi de vivre leur foi au travers de règles spécifiques. Les Pénitents sont organisés en confréries d’hommes, de femmes ou mixtes et leur engagement est réversible. Contrairement à un ordre, chaque groupe est indépendant sous l’autorité de l’Évêque du lieu. Des systèmes de solidarité entre confréries se sont développés au cours des siècles sans remettre en cause leur indépendance. Communautés de prière et d’entraide, leurs actions charitables annoncent les mutuelles de santé d’aujourd’hui. Le lien entre frères subsiste au-delà de la mort, les Pénitents enterrent leurs défunts (souvent dans leur chapelle jusqu’à l’interdiction des inhumations en milieu urbain), et prient régulièrement pour eux.
Si la Confrérie des Pénitents blancs de Montpellier, comme souvent en France, s’est formée au XVI° siècle, elle est aussi l’héritière de traditions remontant au Moyen-Âge au travers des Frères de la Pénitence. Ainsi, sous des formes différentes, elle réunit depuis près de 800 ans des hommes et des femmes désireux d’approfondir leur vie spirituelle au sein de l’Église. Toujours active, vous pouvez retrouver ses missions, ainsi que de nombreuses photos, dans la section CONFRÉRIE de ce site. En elle, se perpétuent aussi l’action et le souvenir de la Confrérie de la Sainte-Vraie-Croix de Montpellier, fondée en 1294. |
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I INTRODUCTION : LES ORIGINES DES CONFRÉRIES DE PÉNITENTS
II LE PROBLEME DES ORIGINES DES PENITENTS BLANCS DE MONTPELLIER
III LA FONDATION DES PENITENTS BLANCS DU BENOIST SAINT ESPRIT 1517 - 1602
IV LE RÉTABLISSEMENT DE LA CONFRÉRIE EN 1602 - 1623
V L'EXPANSION DE LA CONFRÉRIE 1623 - 1789
VI LA TOURMENTE RÉVOLUTIONNAIRE ET LA RENAISSANCE DE LA CONFRÉRIE
ENCARTS : Les Flagellants - La Confrérie de la Sainte Vraie Croix - Henri III et les Pénitents - L'union qui doit régner entre les Pénitents - Les Mercédaires et le rachat des esclaves - Une des premières illuminations électriques de Montpellier
↑ Le 16 décembre 1221, le Pape Honorius III envoya à l'évêque de Rimini le "Memoriale Propositi" afin de protéger les Pénitents. Vraisemblablement écrit dès 1215, ce texte fut généralisé dans les années qui suivirent. Il est aussi considéré comme la première règle des Franciscains. Rédigé par S.E.R. le Cardinal Hugolin, le futur Pape Grégoire IX, ↓il s'inspirait du Propositum accordé en 1201 aux Humiliés. Il ne nous est parvenu que dans une version écrite en 1228.
Ce site est illustré de photographies provenant des archives de la Confrérie ou de collections privées. Toutefois cette page HISTOIRE comporte aussi des photos réputées "libre de droit" prises sur différentes banques d’images. Si une erreur s’y était glissée et que vous déteniez les droits de ses images, merci de nous le signaler, nous retirerions immédiatement la reproduction incriminée. Les références de ses images sont détaillées à la fin de cette page.
La volonté des Hommes de s'associer dans un but commun remonte à l'Antiquité. Ainsi des formes d'associations, appelées sodalités ou collegium, existaient déjà dans la Rome antique. Dans l’occident médiéval, elles se multiplièrent sous la forme de confréries hospitalières, funéraires, luminaires (pour l’éclairage des églises), de pèlerinage, de métiers (pour en organiser la vie religieuse) ou de bassin, notamment dans le sud-ouest (le bassin servait à quêter pour une œuvre de bienfaisance, la Confrérie du bassin de Saint-Claude de Montpellier sera une des fraternités à l’origine des Pénitents Bleus de la ville). Il existait aussi des groupements plus spécifiques tels que les fraternités cléricales, des Kalendæ carolingiennes aux confréries sacerdotales (regroupant le bas clergé) voire capitulaires (comprenant parfois aussi des laïcs), ou des associations professionnelles comme les corporations ou les guildes qui finirent par réglementer l’exercice de différents métiers. Afin d’aider leurs adhérents les plus pauvres en cas de maladie, certaines se dotèrent d’une caisse de secours mutuel.
Parmi ces innombrables confréries, certaines avaient pour vocation principale la prière. Dès le VIII° siècle, des listes de noms défunts, les obituaires, attestent que des groupes de clercs et de laïcs priaient ou faisaient dire des messes pour le Salut (de salus : vie, ici vie après la mort) des âmes. Ces prières purificatrices devaient se répéter régulièrement jusqu’au Jugement Dernier. À partir de la fin du XI° siècle des confréries d’intercession assurèrent à leurs membres, moyennant une cotisation, l’organisation de leurs funérailles, une place dans un caveau et faisaient dire des messes anniversaires du décès. Elles étaient vouées à la Très Sainte Trinité, ou à une de ses personnes, à la Vierge Marie ou à un autre saint. Les Prémontrés, religieux non cloîtrés à vocation pastorale, en diffusèrent les principes.
↑ Hommebon Tucenghi, était un riche marchand et tailleur d’habit de Crémone. Au milieu de sa vie, il se voua à la prière, assista quotidiennement à la messe et distribua de généreuses aumônes au plus pauvres. Nous ne savons en revanche pas s’il fit partie des premiers Pénitents. Sa femme et ses enfants finirent par s’inquiéter de sa générosité. Il mourut le 13 novembre 1197, en assistant à la messe. Les miracles se multipliant autour de sa tombe, il fut canonisé en 1199 par le Pape Innocent III ↓ Même s’il est peu connu hors de Lombardie, Hommebon est le premier d’une série d’hommes et de femmes canonisés pour l’exemplarité de leur vie, leur piété et leur générosité.
I INTRODUCTION : LES ORIGINES DES CONFRÉRIES DE PÉNITENTS
Les sources diffèrent concernant l'origine des Pénitents. Si pour les uns ils apparurent à la charnière des XII° et XIII° siècles, pour les autres ils ne se constituèrent que dans les années 1400, voire sont issus du Saint Concile de Trente. En réalité tout dépend de ce que l'on entend par confrérie de Pénitents, car celles de l'époque moderne sont issues de plusieurs influences. C'est cette genèse que tente d'éclairer ce premier chapitre introductif. Il est inspiré des ouvrages : "Dossier de l’ordre de la pénitence au XIIIe siècle" par le R.P. Gilles de MEERSSEMAN o.f.p., "Les laïcs au Moyen Âge, Pratiques et expériences religieuses" écrit par André VAUCHEZ et "Église et Société en Occident XIII°-XV° siècles", par Catherine VINCENT.
Ces Flagellants se plaçaient sous l'autorité d'un père ou d’un maître pour une durée de 33 jours, par référence aux 33 ans que le Christ passa parmi les hommes. Ils se flagellaient torse nu sur les places publiques des villes qu'ils traversaient tout en chantant des cantiques en langue vernaculaire. Ces groupes de 50 à 500 individus, où le petit peuple était fortement représenté, étaient par définition instables et échappaient à tout contrôle. Ils apparaissaient ou disparaissaient spontanément en fonction des crises, des guerres ou des épidémies. Une procession de ce type eut lieu à Montpellier en 1312 à la suite d'une grave sécheresse, mais cela resta un cas isolé. Lors de la peste noire de 1348, où dans certaines régions plus de la moitié des habitants mourut en quelques semaines, les processions de flagellants se multiplièrent. Certains groupes prirent le contrôle de petites villes d’Italie où ils organisèrent de véritables bûchers où périrent des juifs accusés par une population traumatisée d’être responsables de l'épidémie. Le pape Clément VI condamna ses violences par une bulle mettant les juifs sous sa protection, puis interdit les Flagellants en 1349. Contrairement aux confréries de Pénitents attachées à un lieu, dotées de règles et s’inscrivant dans la durée, les Flagellants étaient des groupes instables itinérants et éphémères. Ils sont aussi, à tors, souvent confondus avec les Disciplinati. Ils partagent cependant avec ces derniers une origine commune, liée aux événements qui se produisirent à Pérouse en 1260. À la fin du carême de cette année-là, dans une vision eschatologique, le Dominicain Rainier Fasani incita la population pérugienne à faire pénitence publique par des flagellations mortifiantes afin d’éviter à leur cité le sort de l’antique Ninive. Bientôt ce fut la ville entière qui le suivit. C’est ainsi que des groupes, bientôt surnommés flagellants, formèrent des processions expiatoires qui allèrent dans les villages voisins. Rapidement des groupes similaires se formèrent jusqu’en Pologne. À l'opposé de ces crimes, à fin du XIV° siècle, d'autres flagellants, surnommés Bianchi en raison de leur bure blanche frappée d’une croix rouge, reprirent l’idée de processions itinérantes expiatoires et la pratique de la flagellation publique. Mais ils insistaient désormais sur la prière et la vie spirituelle. Leurs cantiques, eux aussi en langue vernaculaire, appelaient à espérer en la Miséricorde divine, à la réconciliation et au retour de la paix civile. Leur succès ne dura pas et ce furent les grands prédicateurs du XV° siècle, tel Saint Vincent Ferrier ou Saint Bernardin de Sienne, qui mobilisèrent alors les foules. Par la suite, l'appellation Flagellants fut à nouveau utilisée par certaines confréries de Pénitents, amenant de fréquentes confusions chez de nombreux auteurs. En revanche, en Italie, les Bianchi, dont certains portaient une cagoule, eurent bien une influence sur les pratiques et la spiritualité des Pénitents. Mais, en France, leurs héritiers directs furent les Processions blanches du XVI° qui, en pleine guerre civile, en reprirent certains principes dans une même logique eschatologique. ← Les Flagellants, Miniature extraite des Belles heures du duc de Berry, réalisées par les frères Limbourg entre 1405 et 1409, Metropolitan Meseum of Art de New-York, collection des Cloîtres. ↑ Flagellants à Tournai en 1349, Chroniques d'Aegidius Le Muisis, Bibliographisches Institut Leipzig.
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À la fin du XII° siècle d’autres groupes cherchaient à retrouver l'esprit d'union et de fraternité qui unissait les premiers disciples du Christ, ou du moins l'image qu'ils s'en fesaient. Contrairement aux moines, les membres de ces petites communautées désiraient vivre au contact de leurs contemporains tout en se tenant éloignés des vanités et des futilités du monde. Ainsi ils renonçaient à certains des plaisirs de la vie afin de se concentrer sur la prière et la vie en union avec le Christ. Mais au-dela des privations qu'ils s'imposaient, ils considéraient la pénitence (du latin paenitens : regret, repentir) comme un don de soi à l’autre, car aider son prochain c’est aimer Dieu lui-même, selon la définition donnée en 1175 par le Pape Alexandre III (Constitutions des chevaliers de Santiago). Cela les amena à développer ce que l'on nomma bientôt les oeuvres de miséricorde.
Différentes fraternités, dites de péntence ou de miséricorde, tentèrent d’appliquer cet idéal. Leurs membres se réunissaient régulièrement afin de prier en commun et de faire leurs bonnes oeuvres. D'autres s'installèrent en petite communautés informelles, vivant ensemble dans de simples maisons, travaillant et mettant leurs biens en commun. Ces fraternités étaient d’une grande diversité, certains privilégiant une intense vie de prière communautaire, la défense de la foi, tandis que d’autres développèrent des actions caritatives. Mais tous cherchaient à se rapprocher de la vie des premiers chrétiens décrite dans les Evangiles. Beaucoup de ces groupements étaient mixtes et les femmes jouèrent un grand rôle dans le développement de cette forme de dévotion. Parmi ces fraternités de pénitence citons les Humiliés, les Reclus (es), les Béguines et les Bégards, les Pénitents communautaires ruraux (pour plus de précision cliquez ici). La plus ancienne mention de groupe qui portait le nom de Pénitents date de 1180.
Ces premiers Pénitents adoptèrent une pratique alors tombé en désuétude, celle des Pénitents publics. Dans l’antiquité tardive, ceux qui avaient commis des fautes graves pouvaient demander publiquement pardon à Dieu et aux hommes. Durant les quelques semaines ou mois de sa pénitence, le pénitent public revêtait un habit de toile brute, jeûnait régulièrement et récitait quotidiennement des prières ou effectuait un pèlerinage. Ainsi lavé de ces fautes, il réintégrait la communauté lors d’une cérémonie spécifique qui exprimait la joie du pardon. Ce furent ces prescriptions que choisirent de s’appliquer les Pénitents de la fin du XII° siècle au travers de leur communautés. Il ne s'agissait plus de se faire pardonner une faute, mais de vivre continuellement selon ces principes par amour de Dieu. Ces prodromes de confrérie Pénitents s’implantèrent Lombardie, en Ombrie et en Toscane. Tant qu'au groupes signalés avant 1220 à Toulouse, à Marseille et à Grasse (Darmengeat), voire en Catalogne et en Languedoc, nous ne savons rien de leurs pratiques ni de leurs structures.
Certains évêques se méfièrent de ces nouveaux groupes qu'ils ne comprenaient pas mais qui avaient un grand respect de la hiérarchie de l'Eglise. En 1221, et sans doute même dès 1215 dans un texte aujourd'hui perdu, le Pape Honorius III approuva ce mode de vie en publiant le Memoriale propositi. Ce texte définissait l’engagement du Pénitent : jeûne et continence entre les époux plus fréquents (durant les temps de l’Avent et du Carême, les veilles des principales fêtes christiques ou mariales), récitation quotidienne du psaultier (ou récitation des Notre Père et du Je vous salue Marie pour les illétrés), confession et communion au moins trois fois l’an (au lieu d’une fois à cette époque), s’abstenir de prêter serment et de porter les armes, œuvrer à la paix dans la société et enfin adopter un vêtement non teint de médiocre qualité (complété d’une capuche car chez les Hébreux se couvrir la tête était un signe de deuil et de pénitence). Comme souvent au Moyen-Âge, c’est le port de cet habit qui marquait l’entrée dans ses premières confréries qui n’avaient pas encore de véritables statuts.
La plupart de ces Pénitents se placèrent sous l’invocation du Saint Esprit ou de la Vierge de Miséricorde. La plus ancienne Confrérie de Pénitent de France dotée de statuts stables est la Dévote et Royale Confrérie des Pénitents gris d’Avignon. Elle fut fondée, sous le vocable de la Sainte Croix, par le roi le Louis VIII le 14 septembre 1226, en réparation de l'aide que les habitants apportèrent aux Albigeois. Malgrè plusieurs interruptions, elle est toujours très active en Avignon.
Une de ces premières confréries, la fraternité des Pénitents d’Assise eût une grande influence sur l'occident chrétien. Elle fut fondée par François Bernardone en 1208 ou 1209. Elle mêlait sans distinction hierarchique clercs et laïcs et poussait plus loin l'idéal de pauvreté tout en se donnant des missions pastorales itinérantes : restauration des églises et du matériel liturgique, prédications, oeuvres de charité, ... Très respectueux de l’autorité de l’Église, François [d’Assise] recut à Rome l’approbation du Pape pour sa communauté. Mais le nombre de frères augmenta très rapidement et imposa en 1223 l'adoption d'une véritable règle. Les Pénitents d'Assise se transformèrent alors en un ordre, celui des Frères Mineurs applés aussi ou Cordeliers. Mais dans les années qui suivirent, la cléricalisation progressive de l'ordre entraîna la création de petites fraternités de Pénitents laïcs qui se formèrent autour des implantations franciscaines. Elles finirent par former un ordre séculier laïc, le Tiers Ordre Franciscain, approuvée par Nicolas IV par la bulle supra Montem en 1289. C’est de ce modèle que viendraient les Pénitents blancs de Montpellier. Suivant une évolution parallèle, de nombreuses fraternités laïques se créèrent autour des couvents des Frères Prêcheurs fondés par Saint Dominique de Gùzman en 1216. Le Maître général de l'ordre Dominicain, Muño de Zamora, donna en 1285 aux Pénitentes d'Orvieto des statuts qui servirent de modèles à ces confréries. Mais la transformation en Tiers Ordre dominicain, approuvé par le Pape Innocent VII, ne date que de 1405.
La première confrérie de Pénitents dotée de statuts, au sens juridique du terme, fut la confrérie des Recommandés de la Vierge Marie, fondée à Rome en 1267. Trois ans plus tôt, le franciscain Saint Bonaventure avait eu une vision de la Vierge Marie qui lui avait dictée leur futur statuts, la Règle de l’amour du Christ. Cette évolution s'explique aussi par le contexte politique et religieux de la citée des Papes. Ces Pénitents blancs prirent au XIV° siècle le nom de Gonfalon (pour plus de précision, cliquez ici). Ainsi commençait à s'établir la différence entre les confréries de Pénitents et les Tiers Ordres en devenir. Ces derniers sont sous l’autorité d’un ordre monastique et tous les groupes ont une même règle. Leurs membres, appelés Tertiaires, prononcent des vœux définitifs (pour plus de précision sur les Tiers-Ordres, cliquez içi). A l'inverse les Pénitents n’ont pas d’engagement définitif et chaque groupe a des statuts spécifiques. En outre ils portent au sein de la confrérie un habit en la forme religieuse, le saq(c)
Amenant une certaine confusion, le terme de Pénitent (e) désigna tant de ceux qui adhéraient à l’ensemble des mouvements laïcs de pénitence du XIII° siècle (Humiliés, Reclus, Béguines, …) que les Pénitents proprement dit. En outre à partir de 1248, les moines de l’ordre de la Pénitence de Jésus-Christ, les Saccites, furent surnommés par les fidèles Frères sac, sachets mais aussi Pénitents. Supprimé en 1274, cet ordre se maintint dans certaines villes jusqu'en 1320. Ainsi le nom de couvent des Pénitents, que l'on trouve encore dans la topmonymie certaines villes, se rapporte souvent à leurs établissements.
À partir du dernier quart du XIII° siècle, beaucoup de ses premières confréries de Pénitents se transformèrent en Ordres religieux (comme les Servites de Marie issus en 1240 d’une confrérie florentine à vocation hospitalière). D’autres, sous la pression des autorités ecclésiastiques, se soumirent aux règles des Tiers Ordres. Celles qui conservèrent leur forme originelle furent très influencées par de nouvelles formes de dévotions et se tranformèrent profondemment, ce qui amène nombre d'historiens à estimer que le premier type de Confréries de Pénitents avait quasiment disparu au début du XIV° siècle. En effet, à cette époque, sous l’influence des mouvements de l’observance et de plusieurs Pénitentes françaises et italiennes, beaucoup de confréries adoptèrent des pratiques pénitentielles plus dures, comme un idéal de pauvreté poussé à l’extrême, des jeûnes très rigoureux ou la pratiques de flagellation ou d'autres mortifications. Le but de ces souffrances physiques n'étaient pas de se punir ou de détruire son corp, mais de parvenir à une forme d'intimité avec le Christ, de s’associer physiquement à son humanité par l’imitation de sa Passion sur la Croix. Ces évolutions des pratiques de dévotion, marquées par l’imitation de Jésus-Christ, marquèrent profondément les Pénitents et entraînèrent l’apparition d’un nouveau type de confréries, les Disciplinés. Beaucoup voient dans ces derniers la véritable origine des Pénitents de l’époque moderne.
↑ La vision de Saint Bonaventure: la Vierge Marie protège sous son manteau les chrétiens dont deux Pénitents.
La barre rouge de la croix palée symbolise le sang du Christ répandu sur la blancheur immaculée de la Vierge. Le fond bleu figure le ciel, promesse du paradis.
L'insigne du Gonfalon →
↑ Saint Bonaventure appelé en raison de ces écrit "Le docteur séraphique". Ami du Dominicain Saint Thomas d'Aquin, il fut un des principaux théologiens de la fin du Moyen-Age. Il écrivit une vie de Saint François d'Assise qui fit autorité. Elu supérieur de l'Ordre, il en poursuivit le processus de cléricalisation. Fait Cardinal, il initia à Lyon une confrérie de Pénitents blancs sur le modèle de celle qu'il avait suscité à Rome.
II LE PROBLEME DES ORIGINES DES PÉNITENTS BLANCS DE MONTPELLIER
L’origine de la Confrérie des Pénitents blancs de Montpellier reste obscure, en raison de la perte de ses archives antérieures à 1602. L’historien Jules DELALAIN affirma en 1874 qu’elle avait une origine franciscaine, hypothèse reprise en 1899 par le chanoine SAUREL. Selon eux, la Confrérie remonterait aux années 1220-1230, sous la forme d’un Tiers Ordre. En 1517, les quarante derniers frères de la pénitence auraient décidé de faire évoluer leur fraternité en la Confrérie des Poenitens blancs sous le titre et invocation du benoist St Esprit. Cette hypothèse se fonde principalement sur un Bref apostolique du bienheureux Pape Pie IX, daté du 23 février 1848. Il y est indiqué que au souvenir perpétuel de la chose, […] il existe dans la ville de Montpellier une confrérie canoniquement érigée sous le titre du Saint-Esprit […] appelée Pénitents blancs ; elle doit son origine à Saint François d’Assise (c’est-à-dire aux Franciscains). En conséquence, des indulgences furent accordées aux frères qui se rendent dans des églises tenues par des Franciscains. S’il est précisé que ce Bref fut établi d’après diverses déclarations, les solliciteurs durent s’appuyer sur des archives dont nous ne connaissons plus l’existence, comme celles des Cordeliers par exemple. Mais en leur absence, il est impossible de juger de leur authenticité et de la justesse de leur interprétation.
↑ Couvent des Cordeliers au début du XVI° siècle, détail de la cosmographie de Münster.
Ces Disciplinés, appelés parfois Battu(t)s (Battuti, ceux qui se battent) apparurent à Pérouse en 1265, sous le nom de Disciplinati (ceux qui usent de la discipline, un petit fouet muni de cordelettes). Comme les Pénitents, ils menaient une vie très rigoureuse, mais ils se flagellaient comme cela se pratiquait déjà depuis le XI° siècle. Toutefois, afin d’éviter de dangereux excès, les autorités leur imposèrent de la faire de manière publique. Ce type de confrérie se multiplia aux XIV° et XV° siècles. Certaines développèrent aussi des activités caritatives qui dépassaient l’aide confraternelle, ainsi elles purent se voir confier la gestion d’hospices, voire d’administrations communales. Toutefois ce modèle resta longtemps circonscrit aux péninsules italique puis ibérique y compris, grâce au Dominicain Saint Vincent Ferrier (1350-1419), la Catalogne. La première installation outre monts n’eut lieu qu’en 1499 à Marseille. Au tournant de la Renaissance, les Disciplinés reprirent souvent l’appellation Pénitents et limitèrent les pratiques de flagellations.
Un autre type de confrérie influença aussi l’évolutiondes Pénitents, principalement dans la péninsule italique, les confréries liéesaux âmes du purgatoire. Au XIII° siècle, après que l’Église eut précisé la notion de purgatoire, désormais identifié comme un lieu où les âmes des défunts se purifient un certain temps avant l’entrée au paradis, des confréries se chargèrent de faire dire des messes qui suivaient le décès. Les vivants espéraient ainsi par leurs prières réduire la durée du séjour au purgatoire et demandaient leur aide aux âmes des défunts. Cette spiritualité se traduira aux XIV° et XV° siècles par la multiplication des confréries orazione e morte, de la Bonne mort, du suffrage (au Moyen-Âge soutien, prière) ou du bassin du purgatoire (en Aquitaine, Languedoc et Provence) ses deux dernières priant pour l’ensemble indistinct des âmes du purgatoire. Certaines adoptèrent à partir du XVI° siècle une partie des traditions des Pénitents, notamment leur tenue et leur cagoule. Elles enrichirent les tenues des Pénitents en utilisant parfois des tissus luxueux, voire des broderies d’or et d’argent à Gène.
Cette énumération de différents types de communautés peut sembler fastidieuse et complexe, mais cela vient surtout du fait que nous l’envisageons de manière globale et sur une période de plusieurs siècles. En fait chaque groupe tentait d’apporter à son niveau une réponse simple à ses préoccupations matérielles et spirituelles. Sous les différentes autorités civiles, épiscopales ou monastiques, chacun prenait la formule qui semblait le mieux correspondre à son cas et à sa vocation et aux traditions de sa région. Cette diversité de forme n'est pas sans rappeler celle du monde associatif contemporain.
Les plus anciens statuts de la Confrérie des Pénitents blancs datent de 1602 (cités plus bas), les précédents ayant été détruits lors des troubles du XVI° siècle. Leur préambule est directement d'inspiration franciscaine et insiste sur l'union qui doit exister entre les frères qui doivent aspirer à ne former qu'un seul corps et qu'une seule âme, théme très important chez Saint François d'Assise. Mais ce texte n'aborde pas la question de l'origine de la Confrérie, mais s'ouvre par une liste incomplète des frères défunts, établie d'après les souvenirs des anciens Pénitents. Il faut aussi préciser que ces statuts furent rédigés dans un contexte de forte tension politique et religieuse. Ils ne visaient qu'à donner, à titre provisoire, un cadre juridique à la Confrérie. En outre, cela faisait près de quatre-vingts ans que les Cordeliers avaient quitté Montpellier et leur ancien couvent avait été rasé et les Observantins chassés. Entre-temps, durant quarante années, la guerre civile avait ravagé la ville et profondément changée les mentalités. La mention d'une origine franciscaine de la Confrérie n'avait donc plus aucune répercussion en 1602 et son absence n'est pas en elle même significative.
↑Sainte Élisabeth de Hongrie et de Thuringe (1207-1231). Fille du roi de Hongrie, épouse du Landgrave de Thuringe, elle fut proche des Franciscains. Elle est des figures féminines les plus marquantes de ces pénitentes du XIII° siècle (A. VAUCHEZ). Veuve, elle refusa de se remarier et se mit au service des pauvres renonçant en leur faveur à tous ses biens.
↑ Détail de la gravure "Le Départ" exaltant la Guerre d’Indépendance Américaine, voir bas de page. En 1789, la Confrérie fit porter le buste de Louis XVI en triomphe lors d’un Te Deum célébré à Sainte-Eulalie. Nombre de frères étaient très attachés au roi. Le monarque était suivi de l’image du ministre Necker, symbole des idées nouvelles. C’est le symbole des divisions qui déchirèrent la Confrérie durant cette période.
↑ Vers 1222, Saint Antoine de Padoue resta un an au couvent de Montpellier.
↑ Innocent III remettant la règle des Franciscains à Saint François d'Assise.
LA CONFRERIE DE LA SAINTE VRAIE CROIX (Pour plus de précisions sur l'histoire de cette Confrérie, cliquez ici) Les Pénitents blancs sont aussi les héritiers d’une autre confrérie remontant au Moyen-Âge et dont les archives sont encore bien conservées. Cet exemple permet de comprendre comment fonctionnait ce type de sodalité médiévale. Cette Confrérie trouve son origine dans une relique de la Sainte-Vraie-Croix ramenée de croisade par le bienheureux Guilhem VI seigneur de Montpellier en 1129. Certaines traditions en font un cadeau de l’Empereur de Byzance. Le seigneur de Montpellier déposa la relique dans la chapelle de son ancien château seigneurial, situé sur l’actuelle place de la Canourgue. Mais après une vie très agitée, Guilhem VI, las du tumulte des armes et revenu des illusions de ce monde, embrassa, en l’an 1149 […] la vie monastique. Se dépouillant par un testament appliqué de son vivant, il fonda dans ces mêmes murs une chapellenie à laquelle il donna plusieurs maisons. Ainsi ses revenus réguliers permettaient d’en assurer l’entretien, le fonctionnement et le luminaire. Le 5 décembre 1200, la chapelle, devenue entre-temps propriété de l’église Saint-Firmin, fut consacrée sous la titulature de Sainte Croix par Monseigneur Imbert d’Aiguières, évêque d’Arles. La plaque de marbre posée lors de cette consécration est aujourd’hui conservée par les Pénitents blancs. C’est quasiment un siècle plus tard, le 31 octobre 1294, que fut établie à Sainte-Croix une confrérie en l’honneur de Dieu Notre-Seigneur, de Notre-Dame Sainte Marie, de la Sainte Vraie Croix et de toute la cour céleste. Communément appelée Confrérie de la Sainte-Vraie-Croix, en occitan Cofrayria de Sancta Cros de la vila de Monpeylier, elle était chargée de veiller sur la relique et la chapelle. Confrérie d’intercession, il ne s’agissait donc pas de Pénitents, ses membres n’avaient pas d’habit spécifique. La fête principale de la Confrérie de la Sainte-Vraie-Croix était l’Invention de la Sainte Croix le 3 mai. La veille l’ensemble des confrères et des confréresses se rassemblaient en un même lieu. Puis avec leur trompe (hautbois) ils se rendaient à la chapelle où ils faisaient une aumône et allumaient les cierges anciens. Le jour de la fête ils allaient, avec des cierges neufs, entendre la messe à l’issue de laquelle ils récitaient dix Pater et dix Ave. Puis suivait un grand repas, réservé aux hommes, où était lu le récit de la découverte des restes de la Sainte Croix par Sainte Hélène. Ils retournaient ensuite dans la chapelle afin de rendre grâce à Dieu. Puis les confrères se retiraient pour élire leurs trois nouveaux Prévôts assistés de quatre conseillers. Le lendemain tous assistaient à la messe pour les défunts de la Confrérie et faisaient à nouveau une aumône. Tout aulong de l’année, les confrères et les confréresses avaient l’obligation mensuelle d’aller entendre la messe à la chapelle, d’y réciter dix Pater et dix Ave et de faire une aumône. Lorsque l’un d’entre eux était malade, ils lui rendaient régulièrement visite. Une caisse de secours mutuel temporel et spirituel leur permettait aussi de s’entraider. Lors d’un décès, des confrères apportaient des cierges à la maison du défunt et les allumaient autour du corps. Puis le jour des funérailles ils se rendaient en délégation au domicile et récitaient trente Pater et trente Ave. Ils assistaient aux funérailles puis allaient avec des cierges à la main au cimetière. C’est le fonctionnement habituel d’une confrérie médiévale. Les grands repas communautaires étaient essentiels pour les confrères qui pouvaient ainsi renforcer leurs liens d’amitié, mais aussi inviter les pauvres des environs et leur donner des aumônes et des provisions. L’importance donnée à la présence de cierges allumés dans certaines circonstances, y compris en plein jour, peux nous étonner, mais elle était une forte source de dépense et un signe de respect obligatoirement lié à la présence des reliques. La flamme du cierge représentait la vie éternelle, ce qui explique aussi sa présence lors des rites funéraires. Ce fonctionnement était sans doute proche de celui des différentes fraternités de Pénitents contemporaines. Toutefois, comme toutes les confréries votives, la vie de prière communautaire des frères et sœurs de la Sainte Croix se concentrait autour de la fête du 3 mai, à laquelle se rajouta, à partir de 1321, celle de l’Exaltation de la Sainte Croix le 14 septembre. Les Pénitents, eux, se réunissaient très régulièrement, voire quotidiennement, pour chanter les différents offices et prier ensemble. ↑ Les Statuts de la Confrérie de la Sainte Vraie Croix (1294) furent vraisemblablement calligraphiés par le même atelier sripturaire que le Petit Thalamus de Montpellier.
↑ Détail du codex de la Confrérie de la Sainte-Vraie-Croix. Dispersée au XVI° siècle par les Guerres de religion, la Confrérie se reforma en 1615 et occupa plusieurs emplacements avant de se fixer en 1661 dans une chapelle latérale de la cathédrale. En effet la chapelle Sainte-Croix avait été rasée en 1568, puis relevée par les Pénitents blancs en 1609, comme nous le verrons plus loin. En 1617 il y avait 194 confrères et 151 confréresses. Quand à la relique de la Sainte Vraie Croix, il est tout d’abord indiqué qu’elle est perdue, puis elle est à nouveau citée quand on parle de faire des réparations au reliquaire qui la contient. S’agit-il d’une parcelle qui a pu être sauvée des destructions de 1562 et 1568 et qui n’a pas été immédiatement restituée, ou est-ce une relique ayant une autre provenance ? En 1763, un projet de fusion avec les Pénitents bleus n’eut pas de suite.
Mais la Révolution éclata et la Confrérie fut supprimée en 1792. Elle réussit à se reformer 1803 et réinstalla à la cathédrale, sans toutefois retrouver ses effectifs et son éclat d’antan. Ayant de plus en plus de mal à recruter au début du XX° siècle, ses derniers membres désignèrent comme héritiers les Pénitents blancs de Montpellier. Ces derniers en conservent aujourd’hui précieusement la relique et les archives, remises par la dernière confréresse la marquise de LOUVENCOURT, et entretiennent le souvenir de cette antique institution montpelliéraine.
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L'hypothèse d'une origine franciscaine se réfère à l’installation des Frères Mineurs, ou Cordeliers, à Montpellier peu après 1220, soit 5 ans après l'hypothétique passage de Saint François d'Assise dans la ville. Leur couvent se trouvait au faubourg de Lattes, entre les actuelles rues de Verdun et Maguelone. Déclarés studium generale, ces bâtiments abritaient des moines venus suivre l’enseignement dispensé en ville ainsi qu’une communauté permanente. C’est sous leur influence et dans leur chapelle (elle ne fut achevée qu'en 1264) que fut fondée, dans le deuxième quart du XIII° siècle, une fraternité de laïques, les frères de la pénitence. Cette communauté, sans doute mixte, se réunissait pour faire ses pieux exercices et recevoir l'enseignement des moines. S'il est établi que Saint Antoine de Padoue séjourna au couvent de Montpellier à cette époque, rien ne le lie à cette fondation. Puis suivant la bulle Supra Montem, cette fraternité se transforma en Tiers Ordre.
Dépendant très étroitement des Cordeliers, cette fraternité n'avait pas le caractère public des Pénitents des siècles suivants. Ils n'avaient pas de chapelle propre et ne participaient pas en corps à des processions publiques. Aussi malgré leurs réunions de prières et leurs œuvres de charité, ils ne laissèrent que peu de traces dans les archives. Cette absence laisse même à penser que la fraternité s'interrompit puis se reconstitua à plusieurs reprises. Mais au début du XVI° siècle, ce furent les Cordeliers de Montpellier qui traversèrent une grave crise et qui finirent par quitter leur couvent. Ils y furent remplacés en 1526 par les Observantins, autre branche de la famille franciscaine. C’est dans ce contexte que les frères de la pénitence se seraient transformés en 1517 en une Confrérie de Pénitents. Toutefois aucune preuve ne confirme qu’il y a un rapport direct entre les Frères de la Pénitence attestés au XIII° siècle et la Confrérie qui se forma trois cents ans plus tard.
Jean-Jacques-Régis de Cambacérès (au centre), un des principaux rédacteurs du Code civil. Tout acquis aux idées nouvelles et amateur de grande cuisine, il pouvait aussi rester à genoux en prière dans le froid des heures durant. ↑ Cette scène se déroule en 1804. Deuxième consul, il présente la couronne impériale au premier Napoléon Bonaparte (à droite). Archichancelier de l’Empire puis Duc de Parmes (1808), il assuma plusieurs fois la régence. Natif de Montpellier, il participa à la vie de la Confrérie à partir de 1774. Il en fut syndic à 21 ans ( ↓ sa signature à cette époque, la mention "fils" signifie qu'il est le fils d'une pénitente blanche, Rose Vassal), visiteur des malades, puis Prieur en 1790. Il protégea la Confrérie sous l'Empire.
↑ Louis XIII au début de son règne. (col. part.)
Mais que l’on retienne ou non l’hypothèse d’une origine franciscaine, tout indique que les Pénitents du début du XVII° siècle avaient conscience de l’ancienneté de leur communauté. Ainsi les statuts de 1602 commencent par la phrase : cette Dévote Compagnie de Pénitens Blancs de long temps avant les malheurs de nôtre France, dressée en cette ville de Montpellier par l’inspiration du Saint Esprit, fut, par l’aide du même Auteur de tout bien, redressée et restablie en l’année mil six cens deux. Les malheurs évoqués ayant commencé en 1562, le texte sous-entend une origine largement antérieure à la fondation de 1517. De même les évêques parlèrent dans les années 1610 de l’antique Confrérie des Pénitens blancs, l’emploi de cet adjectif supposant déjà plusieurs siècles d’existence. En 1654, soit 23 ans après de nouvelles pertes d'archives lors du sac des églises de la ville de 1621, le frère Henri de Lacroix de Castries, maître des cérémonies, en fut réduit à écrire dans son édition des Heures des Pénitens que ces confréries remontaient aux temps de Saint François d’Assise et de Saint Dominique. Mais pour Montpellier ni nos registres, ni même les Thalamus de la Maison de ville, n’en font mention qu’en passant, et ne parlent que du rétablissement de notre Confrérie, sans nous donner aucun jour de sa naissance. Si nous n’en trouvons pas de mémoires expresses, c’est parce que, dans les désordres des guerres civiles qui ont troublé la France pendant des siècles entiers, et cette ville particulièrement, les anciens documens ont été perdus, brûléz, ou envelopez dans les ruines des chapelles ou des maisons où ils étoient enfermés.
Il est aussi possible que les Pénitents blancs soient nés de la fusion des Frères de la pénitence et d’une ou plusieurs confréries fondées au XIV° ou au XV° siècle, comme on en trouve maints exemples à cette époque. Les derniers siècles du Moyen-Âge connurent en effet une multiplication des confréries. Mais il est aussi établi que nombre de fraternités cherchèrent à justifier leur existence en se rattachant à des communautés disparues. Cela leur donnait une assise et un prestige non négligeable, mais leur permettait surtout de se sentir en communion avec les générations précédentes et de se mettre sous leur protection spirituelle.
En 1801, sortis de la clandestinité, les Pénitents louèrent leur ancienne chapelle Sainte-Foy et obtinrent de pouvoir y faire célébrer des messes. Toutefois ils restaient suspects aux yeux de la municipalité, si l’on en croit la délibération suivante visant à faire fermer les oratoires privés : […] et notamment celui des Augustins et celui des Pénitents blancs attendu qu’ils ne servaient qu’aux complots des ennemis de la liberté, qui cherchent toujours à renouer leurs intrigues et, sous le manteau du fanatisme, à souffler le feu de la discorde. En 1804 ils purent racheter la chapelle, sans toutefois le cimetière attenant, vendu entre-temps. Ils durent la restaurer afin de reprendre dignement leurs activités et trouver un accord avec l’école qui était installée dans une partie des locaux. La Confrérie devra attendre 1815 pour avoir une existence légale stable. Les Pénitents blancs recommencèrent à distribuer leurs aides, donnant jusqu’à 200 pains par jour par l’intermédiaire des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, secourant les mères en difficulté, visitant les malades et procédant à l’enterrement des nécessiteux. À partir de 1803 des soeurs Pénitentes blanches furent à nouveau reçues, mais, signe de l'évolution des mentalités, elles formaient désormais une confrérie indépendante, la mixité n'étant plus dans les usages du temps. Disposant dans la chapelle d'un autel latéral dédié à la Vierge, elles restaient très fortement liées à la Confrérie masculine.
L’œuvre des pauvres honteux, destinée à aider ceux quin’osent pas faire état de leurs difficultés, reprit aussi, toujours avec la promesse de garder secrète l’identité des bénéficiaires. Mais comme précédemment les archives de ces actions étaient régulièrement détruites. Les Pénitents reprirent aussi leurs anciens engagements contre l’esclavage, mais désormais centrés sur la Traite négrière au travers des ligues antiesclavagistes de la 1° moitié du XIX° siècle. Ils suivaient en cela les différents appels des Papes depuis Eugène IV en 1435. Pie VII avait renouvelé sa condamnation par une lettre du 20 septembre 1814 au Roi de France, puis en 1839 Grégoire XVI l’avait à nouveau rappelé par une encyclique confirmée par la bulle In supremo apostolatus fastigio.
↑ Portrait de Son Excellence Révérendissime le Cardinal de Rovérié de Cabrières à la fin de sa vie.
Entre 1874 et 1921, l’histoire de notre confrérie va être profondément marquée par la brillante personnalité de l’évêque de Montpellier, Son Éminence Révérendissime le Cardinal de Rovérié de Cabrières (Beaucaire 1830 - Montpellier 1921). Dès 1862, jeune prêtre du diocèse de Nîmes, il devint membre de notre Confrérie le même jour que son évêque, Monseigneur Plantier. Cette double adhésion avait pour but de s’inspirer de notre système de confréries affiliées pour rechristianiser le Gard à partir d’une confrérie principale installée à Nîmes. Mais ce projet n’eut pas de suite. Toutefois le cardinal de Rovérié de Cabrières resta toujours très attaché à notre compagnie dont il partageait les positions légitimistes de la plupart des membres. Connaissant bien ces compagnies, il leur rappela souvent l’importance de garder intactes leurs traditions et leurs rites séculaires tout en adaptant leurs actions concrètes au monde contemporain. C’est toujours ce que nous nous efforçons de faire aujourd’hui.
Monté sur le trône épiscopal de Montpellier en 1874, il appuya la volonté d’union des confréries de Pénitents blancs de la région en fondant l’Union des Pénitents blancs de diocèse de Montpellier en 1876. En effet, suivant le grand élan de rechristianisation du XIX° siècle, beaucoup de Confréries de Pénitents se recréèrent dans les villes et les villages des alentours. Reprenant l’ancien usage, un grand nombre d’entre elles voulut s’affilier à la Confrérie des Pénitents blancs de Montpellier. Elles envoyèrent alors régulièrement à la confrérie montpelliéraine leurs tableaux des officiers qui sont souvent aujourd’hui la seule trace que nous ayons de leur existence. Le nom d’Union des confréries de Pénitents blancs du diocèse de Montpellier indiquait que cette fédération relevait de la juridiction de Montpellier puisque la Confrérie mère y a son siège, mais certaines Confrérie affiliées étaient en dehors des limites du diocèse.
Mais la fin du XIX° siècle, fut surtout marqué pour les Confréries de Pénitents par une hostilité du pouvoir. Ressentant une incompréhension grandissante du gouvernement et de certains membres du clergé devant ce qui faisait l’originalité des régions méridionales, de nombreux Pénitents se retrouvèrent dans les valeurs défendues par le Félibre. Un opuscule de la Confrérie publié en 1908 estimait même que nos confréries constituent dans notre Midi une sorte de félibre religieux. En retours, de nombreux félibres furent d’ardents défenseurs des confréries de Pénitents. Frédéric Mistral et Albert Arnavielle devinrent même Prieurs honoraire de notre Confrérie.
L’hostilité du pouvoir local s’était manifestée par la municipalisation des enterrements, donc l’impossibilité pour les Pénitents d’enterrer leurs frères et les indigents, par l’interdiction des processions (par arrêté municipal du 4 mai 1880) et du port de la cagoule, des tracasseries administratives diverses. Ces mesures étaient d’autant plus durement ressenties qu’elles faisaient écho à celles, nationales, qui visaient l’Église (expulsion des congrégations religieuses avec confiscation de leurs biens en 1880, interdiction de divers ordres religieux,…). Pour la Confrérie, en plus des pertes financières qui mettaient en péril son existence, ces restrictions obligèrent les Pénitents, pleinement conscients de leur déclin depuis 1880, à redéfinir leur rôle et leurs buts. Ils profitèrent de l’emplacement privilégié de leur chapelle pour accueillir des associations catholiques mises en difficulté par les mesures anticléricales. Ainsi le foyer de jeune fille Saint-Joseph, un orphelinat, dressa à partir de 1895 l’autel de Saint Joseph au fond de la chapelle. Ce fut aussi le cas de l’Œuvre des Mères chrétiennes, de l’Union Xavieriste, du Chemin de Croix perpétuel, de l’Association du Rosaire perpétuel, de la Confrérie du Très Saint Rosaire et du Pain Saint Antoine. En collaboration avec cette dernière, le Confrérie distribua jusqu’à 7 tonnes de pain.
↑ Frédéric Mistral, Prieur honoraire de la confrérie en 1912. Il s'était pourtant dans sa jeunesse moqué des Pénitents.
C’est de la fusion entre ses différents groupes que naquirent à partir du XVI° siècle les confréries de pénitents que nous connaissons encore. Ce n'est qu'à cette époque qu'elles acquirent ce qui fait leur originalité en se constituant comme des entités nettement distinctes des paroisses et le plus souvent dotées de chapelles privatives. Mais içi encore il faut nuancer le propos, car dans certaines régions, notamment dans les Alpes, des confréries d'essence uniquement paroissiales, souvent vouées au Saint Sacrement, avaient adopté le sac des pénitents et parfois parfois en portaient aussi le nom.
La Confrérie des Pénitents blancs du Saint Esprit qui est fondée en 1517 est bien une nouvelle entité, même si elle put revendiquer des origines plus anciennes. Mais soit directement, soit en s’étant inspiré de traditions d’autres confréries, l’origine des pratiques des Pénitents puise sa source dans les sodalités médiévales nées au XIII° siècle. Mais même pour la fondation, ou refondation, de 1517 nous n’avons aucun document direct. En revanche en 1602, les frères Pénitents blancs dressèrent, d’après leurs souvenirs, une liste des obits fondés par leurs prédécesseurs entre 1517 et la destruction de leurs archives lors des Guerres de religion. Autre information, en 1623 l’évêque leur rendit les ruines de l’église Sainte Foy. Cela indique qu’ils y étaient installés avant sa destruction intervenue en 1568 et qu’à cette date ils en étaient déjà devenus propriétaires. Mais il est difficile d’en conclure qu’ils y étaient installés depuis 1517 ou 1518, comme l’écrivirent plusieurs auteurs anciens. Enfin, une plainte déposée contre la Confrérie durant les Guerres de religion demandait son interdiction au motif qu’il était source de scandale que des hommes et des femmes puissent se cacher sous un habit de Pénitents, ce qui pourrait laisser supposer que la confrérie était mixte. Bien que la liste reconstituée en 1602 ne comporte que des noms d’hommes, cela n’en exclut pas la possibilité, comme nous le verrons plus loin. En revanche aucun document ne nous permet de connaître son fonctionnement.Pour tenter d’en savoir plus, il faut se référer à des confréries comparables de la même période, comme celle des Pénitents blancs du Saint Esprit de Marseille. D’origine médiévale, elle fut refondée au début du XVI° siècle. Dès cette époque, ce type de confrérie était dirigé par un prieur élu par ses pairs. Les Pénitents enterraient leurs frères et leur famille mais aussi les indigents. Leurs offices étaient connus pour leur magnificence et la beauté des chants en faux-bourdon. Les processions des Pénitents étaient réputées et comprenaient souvent de véritables mises en scène très réalistes de la Passion du Christ. On leur reprocha parfois une tendance à l’exagération et à l’ostentation, d’où leur appellation en Provence de confrérie voyante par opposition à celles post-tridentines jugées plus discrète. En 1539, un édit de François I° ordonna la dissolution des confréries. Mais il ne s'appliqua pas aux Pénitents car il ne s'agissait que de lutter contre les ententes commerciales occultes entre les confréries de métiers.
Marqués par la chute accidentelle de la croix du Peyrou en 1920, les Pénitents furent aussi chargés par Son Excellence Monseigneur Mignen, Évêque de Montpellier, d'Agde, de Béziers, de Lodève et de Saint-Pons-de-Thomières, de pourvoir à leur entretien. Il leur accorda le sous-titre de "Conservateur des croix publiques de la ville". Notre compagnie continuait ainsi, d'une manière originale, l'action de la Confrérie de la Sainte-Vraie-Croix dont elle est l'héritière. Cette mission particulière est évoquée au chapitre Croix de ce site.
Fidèle à ses missions, durant les deux guerres mondiales, la Confrérie se concentra sur la charité envers les plus pauvres et la prière. En 1914, la Confrérie distribua de nombreuses aumônes aux pauvres honteux. La chapelle fut fermée, mais les frères continuèrent leurs exercices pieux à huis clos.
↑Liste des frères depuis 1517 rédigée en 1602
Concernant l’origine des Pénitents blancs de Montpellier, les points de vue de l’historien et du croyant divergent. L’absence de documents suffisamment fiables amène le premier à ne pas retenir cette origine franciscaine dans l’état actuel de nos connaissances. Mais pour le Pénitent le raisonnement est inversé. Les archives n’étant qu’une petite partie de ce qui a existé, il est de son devoir d’être en union de prière avec ses hypothétiques frères du Moyen-Âge plutôt que de risquer de les ignorer, jusqu’à preuve du contraire. Quoi qu’il en soit, avant 1517 il ne put en aucun cas s’agir d’une Confrérie de Pénitents dans le sens moderne du terme, mais d’une forme de Tiers Ordre ou d'une confrérie pieuse.
↑ Vignette de l'adhésion de la Confrérie de Montpellier à l'Archiconfrérie du Gonfalon de Rome en 1928.
La période qui suivit le Saint concile de Trente (1542-1563) vit une multiplication des différentes confréries de Pénitents en France. Mais en Languedoc méditerranéen, la persistance des troubles armés retarda ce mouvement, la majorité des confréries de Pénitents n’y apparaissant que dans la deuxième moitié du XVII° siècle et au début du suivant. Ces implantations correspondirent souvent à la présence d’une importante communauté Protestante. Tout naturellement des liens s'établirent entre les confréries. Ce fut par exemple le cas entre les Pénitents de Montpellier et ceux de Pézenas, ceux de Marseille ou avec les bleus de Toulouse et de Lavaur. Puis s'inspirant de ce qui se faisait en Italie, la confrérie montpelliéraine mit en place en 1723 un système d’affiliation entre confréries de Pénitent blanc. Elles étaient 25 en 1789. Chaque membre restait indépendant, ces adhésions visant à renforcer d’anciens liens d’amitié ou à aider à la création de nouvelles communautés. Les Confréries filles bénéficiaient du soutien et du trésor des indulgences accordées à la confrérie de Montpellier par différents Papes.
Entre 1698 et 1701, les Pénitents blancs de Montpellier eurent un conflit très dur avec l’évêque, Monseigneur de Colbert de Croissy, par l’intermédiaire des Oratoriens qui avaient des vues sur la chapelle de la Confrérie mitoyenne de leur couvent. Le problème de fond était que le prélat et les Oratoriens étaient jansénistes alors que les Pénitents entendaient respecter la condamnation de ces thèses par le Pape. Au terme d’une longue procédure, les droits de la Confrérie sur la chapelle furent confirmés par le parlement de Toulouse. Aucun aumônier ne pouvait être imposé aux Pénitents, qui de leur côté devaient obtenir l’accord de l’évêque. À nouveau en 1720 la Confrérie dut demander à son aumônier de se démettre en raison de ses prises de positions jansénistes. Toutefois les Pénitents finirent par être appréciés de Monseigneur de Colbert de Croissy et un respect mutuel marqua la suite de leurs relations malgré leurs divergences doctrinales. Peu avant sa mort en 1738, l’évêque s’étonna que, malgré les conflits passés, ils soient parmi les rares qui lui témoignaient encore un sincère attachement et même de l’affection.
Jusqu’en 1729 et l'admission isolée de la présidente de Bon, les Pénitents présentèrent l'apparence d'une confrérie exclusivement masculine. Puis à partir de 1758 les femmes y rentrèrent en grand nombre, près de 800 en dix ans. Or aucune délibération n’aborda ce sujet. En fait un siècle plus tôt, à partir de 1628, des sœurs furent citées dans des pièces comptables. Cela laisse à penser que la Confrérie était mixte dès cette époque mais que la confrontation avec les protestants puis la présence d'un fort courant janséniste à Montpellier incitèrent les Pénitents à rester discrets sur ce point en ne portant pas les femmes sur les registres. Des cas similaires ont été étudiés dans les confréries voisines. Mais en 1758, le priorat du Cardinal de La Roche-Aymon, qui avait une primauté d’honneur sur le diocèse de Montpellier et présidait les États de Languedoc, permit d’officialiser le statut des sœurs. En outre, les premières années, un recrutement assez élitiste, voire l'admission de plusieurs dames qui fréquentaient la Cour (cf les vignettes à gauche), rendit difficile toute contestation. Puis rapidement, le recrutement, ou la régularisation de sœurs déjà engagées, fut aussi diversifié que pour les hommes. Les Pénitentes blanches s'engagèrent dans des missions spécifiques, comme l'aide aux femmes en difficulté ou malades. À cette fin, elles élisaient parmi elles leurs propres officiers et géraient un budget indépendant, tout en continuant à faire partie intégrante de la Confrérie.
Cette période vit aussi la naissance des Pénitents Bleus de Montpellier, issus de la transformation de la Confrérie du bassin de Saint-Claude. Cette dernière, fondée en 1050, était la plus ancienne de la ville. Mais au début du XVIII° siècle, elle se trouva empêchée de remplir ses missions et fut privée de chapelle. Après avoir peut-être envisagé de s’unir aux Pénitents blancs, mais les sources ne s’accordent pas sur ce dernier point, ses membres décidèrent en 1744 de fonder la Dévote et Royale Compagnie des Pénitents Bleus sur le modèle de la prestigieuse confrérie toulousaine éponyme. Approuvée en 1746, ils firent bâtir une chapelle, contre la Babotte, réputée pour sa beauté. C’est peut-être cela qui amena les blancs à demander une reconnaissance royale par Lettres Patentes en 1758, ce qui se traduisit par l’ajout du sous-titre Respectable à celui de Dévote. Chacune des deux confréries était désormais reconnue comme un corps, par référence à un corps humain doté d’une tête indépendante et de membres qui lui sont subordonnés. Les rapports entre les deux confréries furent souvent bons et même amicaux. Ainsi des règlements communs prévoyaient que, dans leurs chapelles respectives, les meilleures places au chœur seraient réservées aux membres de l’autre confrérie s’ils venaient assister aux offices. Lorsque l’une venait visiter l’autre, les cloches des deux chapelles sonnaient et les uns allaient au-devant des autres. Mais cela n’empêcha pas parfois une forme de compétition qui amena les deux confréries à des querelles, des mesquineries, voire des affrontements, qui ne sont pas à leur honneur et qui furent condamnés par les évêques à plusieurs reprises.
En 1723, les Pénitents blancs assistèrent et firent dire des messes pour l’un des suppliciés de la Secte des multipliants, pasteur protestant, qui s’était sincèrement converti avant son exécution et avait demandé à être enterré comme catholique. À partir de cette date, les Pénitents blancs, tout comme les Bleus, furent chargés, sur demande des autorités, d’accompagner les condamnés au supplice et de faire célébrer des messes pour le repos de leur âme. Ils soutenaient au besoin leur famille et se chargeaient de leur sépulture. Les blancs se chargeaient aussi des obsèques des miséreux enterrés dans le cimetière attenant à la chapelle. Reprenant des usages hérités du Moyen-Âge, les corps de tous ceux qui étaient enterrés par la Confrérie étaient mis dans une bière spécifique laissant voir le visage du défunt.
Mais à la fin du XVIII° siècle, les inhumations en zone urbaine furent interdites, ce qui obligea les Pénitents blancs à rechercher un cimetière extra-muros. Or à la même époque, par mesure d'économie, le gouvernement de Louis XVI supprima la maison montpelliéraine de l'ordre de la Merci. Ces religieux étaient très liés avec les Pénitents blancs car depuis 1722 ils organisaient ensemble des processions aux esclaves afin de collecter des fonds pour libérer les chrétiens réduits en esclavages par les Maures (voir l’encadré plus bas). Aussi en 1788-89, la Confrérie racheta le couvent et la chapelle , sous la forme de rente viagère destinée à fournir un revenu aux mercédaires qui pouvaient ainsi continuer leurs œuvres d’apostolat (ils étaient encore présents en 1791). En effet, outre leur mission première, ils desservaient les habitants ce quartier encore rural. Les Pénitents blancs gagnaient une chapelle plus vaste et au goût du jour qu'ils utilisèrent en parallèle de Sainte-Foy pour les grandes fêtes. À partir de 1788, ils y enterrèrent tous leurs défunts et les indigents de la ville. Mais, si la Confrérie paya effectivement la rente, elle ne devint jamais officiellement propriétaires des bâtiments, car la Révolution avait éclaté. La chapelle des mercédaires existe toujours, il s'agit de l'église paroissiale Sainte-Eulalie. Curieusement, ce fut la Dévote et Royale Compagnie des Pénitents Bleus qui la racheta après la tourmente, avant de la revendre à la ville et de construire sa chapelle actuelle de la rue des Étuves. Pénitents blancs et bleus se côtoient donc dans les caveaux de Sainte-Eulalie.
Puis en 1905 et 1906 les lois de séparation de l’Église et de l’État entraînèrent le fameux épisode des inventaires. La Confrérie résolut de résister par toutes les voies de droit à toute tentative d’inventaire des objets mobiliers […]. Elle s’y prépara en faisant l’inventaire des titres de propriété de sa chapelle Sainte Foy, prouvant qu’elle l’avait acheté par une souscription et en démontrant juridiquement qu’elle ne pouvait être qualifiée de chapelle de secours de la paroisse Notre-Dame-des-Tables. Elle engagea une procédure judiciaire. Puis elle fit faire par un huissier la liste de tous les objets donnés ou achetés grâce à une souscription des frères. Finalement après l’échec d’une tentative d’inventaire, rapportée le journal le Petit Méridional, l’état dut renoncer. Les activités de la Confréries purent donc continuer à la chapelle. La Confrérie put même un temps reprendre des procession avec l'abbé BONNET à Figuerolles. Ce faubourg jouissait en effet d'une certaines indépendance par rapport au reste de la ville.
↑ Henri I de Montmorency devint en 1563 Gouverneur de Languedoc. D'abord proche des Guise, il combattit les Protestants. Mais plus modéré, il s'allia un temps avec ces derniers pour s'opposer à la Ligue.
↑Insigne de l'Union des confréries de Pénitents blancs du diocèse de Montpellier. Le rouge et le bleu reprennent les couleurs de Montpellier.
Monté sur le trône épiscopal de Montpellier en 1874, il appuya la volonté d’union des confréries de Pénitents blancs de la région en fondant l’Union des Pénitents blancs de diocèse de Montpellier en 1876. En effet, suivant le grand élan de rechristianisation du XIX° siècle, beaucoup de Confréries de Pénitents se recréèrent dans les villes et les villages des alentours. Reprenant l’ancien usage, un grand nombre d’entre elles voulut s’affilier à la Confrérie des Pénitents blancs de Montpellier. Elles envoyèrent alors régulièrement à la confrérie montpelliéraine leurs tableaux des officiers qui sont souvent aujourd’hui la seule trace que nous ayons de leur existence. Le nom d’Union des confréries de Pénitents blancs du diocèse de Montpellier indiquait que cette fédération relevait de la juridiction de Montpellier puisque la Confrérie mère y a son siège, mais certaines Confrérie affiliées étaient en dehors des limites du diocèse.
Mais c’est surtout avec le marquis de Forton puisPierre Roussel, successivement prieurs de notre confrérie, que cette fédération va prendre de l’importance. Outre les Confrérie de Pénitents du Saint Esprit s’y trouvaient aussi des Confrérie du Gonfalon, sous l’invocation de la Vierge Marie. Aussi, afin d’unifier les différentes traditions de ses membres, notre confrérie, dénommée mère et siège de la fédération, s’affilia à l’Archiconfrérie du Gonfalon de Rome en 1928. C’est après la mort du Cardinal de Rovérié de Cabrière que se concrétisera l’un de ses projets, la Fédération des Pénitents du Midi, de toute couleur, qui deviendra en 1926 l’actuelle Maintenance Générale des Pénitents de France et de Monaco. C’est cet événement que rappelle la bannière de la Maintenance, le Labarum, offert par les Pénitents blanches de Montpellier.
↑ De nombreux officiers des régiments de Savoie-Carignan et de Touraine, tous deux basés à Montpellier, entrèrent dans la Confrérie en 1775. Celui de Touraine, embarqué à Brest en 1780, s'illustra durant la Guerre d'indépendance Américaine, notamment aux Antilles et au siège de Yorktown.
Un pénitent blanc de Montpellier en prière au début du XVIII° siècle, dessin illustrant un registre de délibération de la Confrérie.
Les Pénitents se réunissaient chez leur prieur, M. de Grilhe. Ils devaient ruser pour échapper aux chasses-messes qui patrouillaient dans les rues de la ville à la poursuite des catholiques. Plusieurs Protestants, n'approuvant pas ses mesures, aidèrent des religieux catholiques à s'échapper, notamment les Capucins, leur sauvant ainsi la vie. Après l’échec des négociations, la ville en état derébellion fut assiégée par les troupes royales en 1622. Mais aucun des deux partis ne voulant prolonger ses affrontements meurtriers, la Paix de Montpellier, qui garantissait la liberté de culte, fut conclue et le roi fit son entrée le 20 septembre. Les Pénitents blancs se reformèrent et s’installèrent provisoirement à Notre-Dame-du-Palais, oratoire aujourd’hui disparu. L’année suivante, Son Excellence Monseigneur Pierre de Fenouillet, évêque de Montpellier, leur rendit l’antique église Sainte Foy. Les frères processionnèrent dans les rues en portant une grande croix qu'ils plantèrent contre les ruines de la chapelle. Ils commencèrent immédiatement à la rebâtir, chacun donnant selon ses moyens. Ils firent des dons en argent, fournirent des matériaux, ou offrirent des heures de travail aux entrepreneurs chargés du chantier. La reconstruction de la chapelle est évoquée dans la section chapelle de ce site. Les messes et les autres offices furent régulièrement célébrés dans la chapelle à partir de la nuit de noël 1624 et jusqu’à la Révolution, y compris durant l’épidémie de peste de 1629. Cette même année, une nouvelle révolte de plusieurs villes protestantes entraîna une intervention des troupes royales. Les places de sûretés concédées au Protestants, vues comme un état dans l’état, furent supprimées mais la liberté de culte était maintenue.
La situation restait toujours tendue, et les pénitents furent plusieurs fois menacés et accusés de comploter. Autre exemple, en 1613, au retour d’un pèlerinage au Grau d’Agde, ils trouvèrent les portes de la ville fermées et durent parlementer pour pouvoir rentrer chez eux mais durent voiler leur croix de procession. Nombre de leurs réunions de prières étaient aussi troublées par des provocateurs. Toutefois ces tracasseries n’empêchèrent pas le nombre de frère d’augmenter et la petite grotte, en mauvais état, ne pouvait plus les contenir. Aussi en 1604 les Pénitents blancs obtinrent de Monseigneur Jean Garnier, nouvellement arrivé sur le trône épiscopal, l’autorisation de relever les ruines de l’église Sainte Croix, situées juste au-dessus. Le temps trouver les fonds nécessaires et de faire les travaux, la Confrérie put s’y installer en 1609. La nouvelle chapelle fut bénie par un de leur frère, l’abbé Darles, archidiacre de Castries et vicaire général. En 1614 elle fut dotée d’un retable réalisé par un sculpteur protestant, preuve que, malgré la violence des affrontements, les deux communautés se côtoyaient et travaillaient ensemble à l’occasion. Bien des familles, voire des couples, étaient en réalité divisées entre les deux factions. De nombreux habitants troublés par ce conflit spirituel et politique hésitèrent et changèrent plusieurs fois de camp et de religion.
Mais la paix restait fragile et, en 1621, lorsque Louis XIII fit une descente militaire dans le Béarn afin de rétablir la liberté de culte pour les catholiques, le parti belliciste protestant prit les armes et mit la ville en état de siège. Ainsi pour la troisième fois en moins de soixante ans, toutes les églises de la ville furent rasées lors du Grand Harlan. La chapelle Sainte-Croix de la place de la Canourgue disparut alors définitivement et seule une croix élevée par la Confrérie en marque encore le souvenir.
L'histoire de la Confrérie se poursuit aujourd'hui. Ses activités sont évoquées dans la section Confrérie.
Après une très forte décroissance au XX° siècle, les Confréries de Pénitents sont aujourd'hui bien vivantes. Il s'en crée ou s'en reforme en moyenne une par an en France.
Pour terminer cette partie historique, citons le Cardinal de Cabrières au Congrés diocésain de 1907 : (...) dans les choses de Dieu, s'il y a des évolutions extérieures qu'il faut tolérer ou même accepter, il y a aussi un fond qu'il faut savoir toujours respecter, utiliser et appliquer. Les hommes ne changent qu'en apparence ; ils sont au dedans ce qu'ont été leurs plus lointains devanciers, ce que seront leurs arrières neveux. Dès lors profitons de tout ce que les âges écoulés nous ont transmis, et faisons en bénéficier notre temps.
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Il fallut attendre la Paix d’Amboise en 1563 pourrevenir à un certain équilibre et que les catholiques puissent réparer leurs églises. Si l’on suit le raisonnement de Louise GUIRAUD, c’est peut-être à cette époque que les Pénitents devinrent propriétaires des ruines de Sainte-Foy et les relevèrent une première fois. Mais lorsqu'en 1567 les catholiques tentèrent de récupérer le mobilier volé cinq ans plus tôt dans les églises, les protestants réagirent en expropriant le clergé. Puis au début de 1568 ils rasèrent toutes les églises qui avaient pu être remises en état, y compris Sainte-Foy. Après la Paix de Longjumeau, les calvinistes tentèrent, le 27 juillet 1568, un nouveau coup de force qui échoua. Les plus compromis purent quitter la ville, mais en réaction, le 4 août, les catholiques dévastèrent le temple protestant de la Cour du Bayle. Louis GUIBERT, dans son ouvrage sur les Pénitents de Limoges de 1879, estima que les Pénitents blancs de Montpellier prirent une part active à ce saccage. Mais l'auteur ne citant aucune source, il est difficile de confirmer ce fait, ce d'autant que Louis GUIBERT est le seul à le mentionner.
À nouveau privés de chapelle, les Pénitents se réunirent dans des maisons particulières. En 1571, ils profitèrent des tentatives de pacification entreprises par le gouverneur de la Province, Henri I° de Montmorency, pour demander à reprendre officiellement leurs pieux exercices. Ils furent accueillis en compagnie des Dominicains, eux aussi privés de couvent, chez de M. de Belleval (il s’agit de l’immeuble de la place de la Canourgue qui abrita l’Hôtel de ville entre 1816 et 1975). Entre 1570 et 1577 il exista aussi à Montpellier une confrérie de Pénitents gris, étudiée par Louise GUIRAUD.
Mais cet équilibre restait fragile. Le 19 février 1577 les protestants se rendirent maîtres de la ville. De nombreux catholiques furent arrêtés, expulsés, et les Pénitents blancs et gris dispersés. En 1578 la médiation de Catherine de Médicis permit aux catholiques de revenir. S’il y eut encore plusieurs affrontements, la ville resta sous administration protestante. Cela empêcha la reconstitution des Pénitents, contrairement à ce qui se passa à la fin du siècle dans de nombreuses villes méridionales (cf encart ci-dessous).
↑ La procession du 7 avril 1583 (Gravure, XIX° siècle). Rien dans son habillement ne distinguait le Roi des autres participants. Cela choqua les Parisiens. Le roi Henri III appréciait les Pénitents qu'il avait connus à l'occasion d'une procession du Gonfalon, lors de son passage à Lyon en 1574. Le 25 mars 1583 il organisa une procession similaire à Paris. Il y prit part sans garde ni différence soit d'habit, de place ou d'ordre [ne pas reconnaître le roi choqua les parisiens] (...) Arrivés à l'église Notre-Dame, ils entonnèrent tous à genoux le Salve Régina (...) et ne les empescha la grosse pluie, de faire et achever avec leurs sacs percés et mouillés, leurs cérémonies encommencées. ↑Henri III à la procession du 25 mars 1583, d'après une gravure du XIX° s. Le 7 avril suivant, pour le Jeudi-Saint, une nouvelle procession nocturne fut le prélude à la création de l'archi-congrégation des Pénitens blancs de Paris, ou blancs-battus. En août 1583, toujours dans la capitale, le roi encouragea le duc de Joyeuse à fonder les Pénitents bleus. Puis il invita les principales villes du royaume à faire de même. Dans un pays déchirée par les Guerres de religion, le souverain espérait parvenir à la conversion des protestants et à la paix par les prières et la pénitence du peuple de France. Il croyait aussi y trouver autant de relais locaux à sa politique. Mais cette forme de piété imposée par l'autorité royale ne fut pas comprise, y compris par les catholiques, et fut raillée. Ses fondations ne firent souche que dans le midi où cette tradition préexistait. Il ne faut pas confondre ce mouvement avec les Processions blanches qui, depuis la Champagne se répandirent spontanément dans le royaume au cours des années 1583 - 84. Ces dernières reprenaient le caractère populaire, éphémère, itinérant et la vision eschatologique, mais aussi parfois la violence, des Flagellants. Ces Processions blanches finirent par se fondre dans la Seconde Ligue à la fin des années 1580, contrairement aux Pénitents.
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↑ Croix de la place de la Canourgue.
↓ Plaque de consécration de l'ancienne église Ste Croix datée du 5 décembre 1200, aujourd'hui aux Pénitents blancs.
Avec l’avènement d’Henri IV et la proclamation de l’édit de Nantes, enregistré seulement en 1600 à Montpellier, la situation sembla devoir s'apaiser. Pourtant cet édit de compromis portait en lui-même les ferments des conflits à venir. Ayant accordé au parti Protestant le contrôle militaire de 50 places de sûreté, rapidement perçues comme un état dans l’état, il va entraîner une suite d’affrontements durant une trentaine d’années. Ainsi, dès le 28 décembre 1600, le retour des catholiques dans l’église Notre-Dame-des-Tables, revendiquée par les deux partis, suscita une émeute. Durant ces événements l’évêque de Montpellier, Monseigneur Guitard de Ratte, n’eut la vie sauve que grâce à l’intervention d’un capitaine protestant qui calma ses coreligionnaires les plus extrémistes. Cela nous montre à quel point les tensions restaient vives.
En 1602, ce même évêque autorisa la reconstitution de la Confrérie des Pénitents blancs à titre provisoire. Il approuva leurs nouveaux statuts, les premiers qui nous soient parvenus. Ceux-ci contenaient une disposition qui allait à l’encontre des traditions des Pénitents et qui ne resta en vigueur que huit ans : chaque postulant devait prouver qu’il n’est pas d’art mécanique et métiers abject, vil et deshonnête qui puisse scandaliser, intéresser, ni porter le blâme à la compagnie. Ces huit années furent donc marquées par un recrutement relativement élitiste. Monseigneur Guitard de Ratte leur permit de s’installer dans la voulte de la Vestiairie, chapelle semi-enterrée située sous l’actuelle place de la Canourgue. Elle fut bénie par l’abbé Fiolon, vicaire général, le 25 mai 1602. Les Pénitents ne pouvaient, en effet, revenir dans l’église Sainte-Foy considérée comme emplacement stratégique en raison de sa proximité du rempart.
↑ Originaire de la région, Monseigneur Guitard de Ratte connaissait très bien les réalités du diocèse de Montpellier.
← François de Solas
→ François-Xavier de Bon
← Pierre Gariel
→ François de Chicoyneau (col. part.)
← Fulcrand Jean Joseph d'Aigrefeuille
→ François Adam de Monclar
De nombreux Pénitents furent magistrats de la Cour des Comptes Aides et Finance de Montpelier.
↑Première page des statuts de 1610 où apparaissent les termes de Dévote et de Compagnie, archives de la Confrérie.
La Confrérie reprit ses bonnes œuvres et rétablit une caisse commune en cas de maladies ou de difficultés. Les visiteurs des malades se rendaient régulièrement chez leurs frères souffrants, leur apportaient un secours financier et veillaient à ce qu’ils reçoivent les soins appropriés. Lorsque cela s’avérait nécessaire, ils prévenaient l’aumônier de la Confrérie et le prieur afin d’aller visiter le malade. Les aides aux indigents, notamment les distributions de pains, étaient faites avec la plus grande discrétion. Sous sa cagoule, aucun frère ne pouvait en tirer une gloire personnelle, si ce n’est celle de Dieu et de son prochain. Pour les secours financiers, les cahiers de comptes étaient régulièrement détruits afin de protéger l’anonymat des donateurs et plus encore celui des bénéficiaires.
Mais dans la seconde partie du siècle, Montpellier fut durement touché par les Guerres de religion. Malgré leur nom, ces dernières eurent avant tout des causes politiques et économiques qui se cristallisèrent autour de questions religieuses. Les contemporains parlaient des Troubles afin de désigner ces tristes événements. Nous ne citerons ici que les événements ayant trait à l’histoire de la Confrérie, mais bien d’autres ensanglantèrent la ville. Entre 1553 et 1560 les adeptes des idées de Calvin furent poursuivis et certains furent condamnés à mort. Ainsi en 1554 Guillaume Dalencon, ancien ecclésiastique, fut pendu et son corps brûlé. Cette condamnations fut imposée par le Parlement de Toulouse. On ne sait rien de l’attitude des Pénitents à cette époque, si ce n’est qu’ils n’assistaient pas à ses exécutions. Mais ces persécutions n’empêchèrent pas le protestantisme de se propager, notamment par le biais d’une partie du clergé devenue secrètement calviniste, et de gagner les élites d’une ville qui restait pourtant majoritairement catholique. En juillet 1561 la faction protestante réussit à chasser de la ville les autorités royales et catholiques. Citons l’ancien ecclésiastique, devenu calviniste, Pillipi : a troppes alloint par la ville avec armes et gros bastons [appelés plus loin espoussettes], frappantz d’iceulx les pebstres et religieux tant qu’ils en trovoient… En octobre 1561 toutes les églises de la ville furent saccagées, pillées et incendiées.
Le Saint Esprit et la devise de la Confrérie : Spiritus Sanctus ubi vult spirat, L4Esprist Saint souffle où il veut.
↑Monseigneur de Fenouillet, évêque de Montpellier, huile sut toile début du XVII°s., collections de l'archevêché de Montpellier.
Quelques Pénitents blancs de Montpellier célèbres au XVIII°siècle.
↑Charles d'Aigrefeuille auteur d'une histore de Montpellier
↑ Henri Pitot, physicien, inventeur du tube éponyme toujours utilisé dans l'aviation. Il conçut l'aqueduc des arceaux.
↑ François Gigot de Lapeyronie, fut le premier chirurgien de Louis XV et son confident.
↑ Charlotte Antoinette Marie Septimanie O'Brien, fille du Maréchal de Thomond, épousa le duc de Choiseul Praslin.
↑ Le Cardinal de la Roche Aymon, archevêque de Narbonnes puis de Reims. Grand aumonier de France, il célébra le mariage du dauphin, futur Louis XVI et le sacra en 1774 .
↑Marià-Caterina Brignole-Sale, fréquenta avec sa mère les salons de Mme Geoffrin et de Mme du Deffand. Elle épousa Honoré III de de Monaco puis le prince de Condé qui fut son grand amour. Elle le suivra en exil dans l'Armée des Princes.
↑ Victoire de Goyon Matignon décrivait dans ses lettres son chagrin d'être séparée de son mari, le duc de Fitz James, parti à la guerre. Elle y abordait aussi sa vie de dame d'honneur de la reine Marie Leczynska. Leur fille Laure entra aussi dans la Confrérie.
↑ Antoine-Louis Séguier, fut un adversaire acharné de la philosophie des lumières, fut magistrat au parlement de Paris. Il épousa Marguerite Henriette Vassal née à Montpellier.
↑Hôtel parisien (25 quai d'Orsay) du collectioneur d'art Jean Pierre Collot. Natif de Montpellier, il fit fortune dans la fourniture aux armées. Il épousa Anne Victorine Lajard, issue d'une famille de Pénitents. Protégé de Cambacérès, puis de Bonaparte, il fut directeur de la Monnaie de Paris sous la Restauration. Il légua sa collection de tableaux au Musée Fabre.
En 1757, le Roi Louis XV accorda à la Confrérie d'avoir un Suisse en livrée de Garde Française selon les uniformes de 1756. ↑ l'uniforme dit de petite tenue, ↓ et la grande tenue pour les fêtes principales de la Confrérie.
↑ S.E.R. le Cardinal Étienne Hubert de Cambacérès. Il fut admis dans la Confrérie en même temps que son frère Jean-Jacques-Régis le 30 mai 1763. Ordonné prêtre en 1780, Etienne-Hubert était archidiacre de l'Église de Montpellier lorsque éclata la Révolution. En 1790 il refusa le serment. La position éminente de son frère, avec qui il était en désaccord sur ce point, le préserva durant la Terreur. Après le concordat de 1801, il fut nommé évêque de Rouen (1802) puis cardinal (1803). Il resta un soutien du régime jusqu’à ce que Napoléon emprisonne le Pape Pie VII. Il marqua alors publiquement sa désapprobation. Administrant remarquablement son diocèse, il était resté attaché à la Confrérie. Il accepta d’en être prieur en 1804 et malgré la distance, sa correspondance atteste de son activité. Grâce à ses liens avec S.Em. le cardinal Caprara, légat du Pape, il fit confirmer les indulgences dont bénéficiait la Confrérie avant la tourmente.
La Confrérie fit célébrer avec faste des services funèbres pour l’assassinat du Duc de Berry (1820) puis la mort de Louis XVIII (1824). La chapelle, y compris sa façade, était alors couverte de tentures noires portant le blason du défunt ou des symboles de la mort terrestre et éclairée de centaines de bougies, rappelant la vie éternelle. Elle perpétuait ainsi une tradition héritée de l’Ancien Régime, comme les pompes funèbres pour la mort du Grand Dauphin, de Louis XIV, de Louis XV,… Elle reprit aussi ses grandes processions, comme celle du Corpus Christi (1 semaine après la Fête-Dieu). En plus d’un dais richement orné, d’un autel portatif et d’une grande corbeille de fleurs, on y voyait un grand nombre d’encensoirs, jusqu’à cinquante, et d’urnes brûle-parfum. Ce cortège parcourait les rues jonchées d’herbes fraîches avec un grand renfort de musique. Il y avait généralement deux reposoirs, celui du prieur et celui du sous-prieur. Des chaisières et des marchands ambulants y faisaient commerce et bloquaient souvent le cortège. Mais ces processions donnèrent parfois lieu à une compétition de fastes entre les deux confréries de Pénitents montpelliéraines. Il arriva même que les plus énervés n’en viennent à se battre dans les rues voisines. Ces manifestations brillantes suscitaient aussi de plus en plus la réprobation d’une élite bourgeoise libérale qui jugeait que le petit peuple y perdait son temps à se distraire. D’autres, y compris dans le clergé, n’y voyaient qu’un faste inutile et une source de désordre et de scandale. Malgré ses critiques, et grâce à l’apport des Confréries affiliées, ces processions comprenaient régulièrement de 500 à 600 Pénitents en tenue dans les années 1870, juste avant leur interdiction. Lors du pèlerinage au Grau d’Agde de 1873, on compta 1500 frères. Pour l’arrivée de Monseigneur de Cabrières l’année suivante, la rue Maguelone, entre la gare et la place de la Comédie, était remplie de Pénitents en rangs serrés. Toutefois ces manifestations impressionnantes ne doivent pas faire oublier la vie de prière qui caractérisait aussi la Confrérie à cette époque et la récitation hebdomadaire des différents offices à la chapelle.
↑ En 1803, Élisabeth de Chodkiewicz veuve du Prince Radziwill (dont le blason est reproduit ci-dessus) fut une des premières Pénitentes blanches admise après la tourmente. Elle avait fait le voyage de Lituanie. Comme de très nombreux malades, elle venait consulter les célèbres médecins de Montpellier et profiter de la réputation de douceur de son climat. Mais déjà trop atteinte, elle mourut à 37 ans chez les Riban, eux aussi membres de la Confrérie, dans leur maison voisine de la chapelle. Ci-dessosus à gauche Maurice , à droite Jean-Baptiste Riban.
Evolution du nombre de réceptions des frères et des sœurs dans la Confrérie des Pénitents blancs de Montpellier |
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Dates |
1517-62 |
1571-01 |
1602-09 |
1610-19 |
1620-29 |
1630-39 |
1640-49 |
1650-59 |
1660-69 |
1670-79 |
1680-89 |
1690-99 |
Frères |
44 ? |
45 ? |
38 |
49 |
25 |
27 |
158 |
172 |
110 |
115 |
142 |
180 |
Dates |
1700-09 |
1710-19 |
1720-29 |
1730-39 |
1740-49 |
1750-59 |
1760-69 |
1770-79 |
1780-89 |
1790-92* |
1801-09* |
1810-19 |
Frères |
268 |
237 |
272 |
298 |
439 |
377 |
379 |
377 |
708 |
56 |
856 |
488 |
Sœurs |
?** |
?** |
1 |
?** |
?** |
7 |
782 |
71 |
248 |
27 |
490 |
313 |
Dates |
1820-29 |
1830-39 |
1840-49 |
1850-59 |
1860-69 |
1870-79 |
1880-89 |
1890-99 |
1900-09 |
1910-19 |
1920-29 |
1930-39 |
Frères |
346 |
188 |
410 |
286 |
151 |
290 |
71 |
40 |
51 |
115 |
56 |
85 |
Sœurs |
152 |
32 |
134 |
186 |
94 |
155 |
4 |
?** |
?** |
?** |
?** |
?** |
Nombre total de réception et agrégation des frères sous l'Ancien Régime |
4 516 |
et entre la Révolution et 1939 |
3 433 |
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Nombre total de réception et agrégation des sœurs sous l'Ancien Régime** |
1 136** |
et entre la Révolution et 1939** |
1 560** |
|||||||||
* Même si leurs réceptions ne furent formalisées, et dénombrées, qu'en 1801, des hommes et des femmes continuèrent à entrer clandestinement dans la Confrérie, notamment lorsqu'elle avait l'aparence de la société des parents et amis réunis à partir de 1797 |
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** Les comptes de la Confrérie montrent qu'il y eut des soeurs dès 1628. Mais la Confrérie n'avait pas la possibilité de les inscrire officiellement. Après 1890 il y eut certainement aussi des admissions. Mais à cette époque les soeurs qui tenaient un registre séparé depuis 1801 négligèrent de reporter les inscriptions. Mais elles restaient très actives et étaient même plus de deux fois plus nombreuses que les frères en 1933. Leur recrutement semble n'avoir cessé, faute de candidature, qu'entre les années 1960 et 1990. Les registres sont aujourd'hui communs. |
La vie de la Confrérie se poursuivit sans changements durant les premiers mois de la Révolution. Cependant, dès 1789, quelques cas d’insubordinations durent être réprimés. Pour la Pentecôte 1790, l’aumônier de la Confrérie, l’abbé Léger, prêcha sur les bienfaits de la nouvelle constitution. Il en fut félicité par une partie des frères tandis que d’autres dénoncèrent son richerisme et son jansénisme, prédisant de grands malheurs pour la France. Ces craintes se référaient aux discussions des députés de l'assemblée sur un projet de loi visant à établir une constitution civile du clergé. Votée le 12 juillet 1790, cette loi plaçait le clergé sous l’autorité directe du pouvoir politique, les prêtres devenant des fonctionnaires révocables désignés selon un mode électif. Le Pape, reconnu chef visible, n’aurait plus d’autorité sur le clergé français. L’assemblée se prévalut même de pouvoir décréter ce qu’était une juste application des dogmes de l’Église catholique (texte du 24 décembre). Le Pape Pie VI ne put dès lors que condamner la loi, constatant le schisme. Le 26 novembre, l’assemblée imposa un serment d’allégeance au clergé, dit de fidélité au roi et à la loi. Ceux qui acceptaient devinrent des constitutionnels ou jureurs, ceux qui refusaient des insermentés dits réfractaires, fidèles au Pape. L’évêque de Montpellier, Monseigneur de Malide, estima pouvoir prêter le serment, à l’exclusion de la constitution civile du clergé qui ne relevait que du domaine spirituel. Cela fut considéré comme un refus. Le 20 février 1791 le maire de Montpellier, Jean-Jacques Durand, se rendit dans les églises de la ville, ne recevant des prêtres que dix prestations de serment. Beaucoup de Pénitents blancs étaient hostiles à la nouvelle loi, tandis qu’une majorité de leurs officiers y adhéraient. Le prieur, Jean Jacques Régis de Cambacérès, chercha des solutions de compromis, préservant la cohésion de la Confrérie. Il était favorable aux idées nouvelles mais son propre frère, l’abbé Etienne-Hubert de Cambacérès, lui aussi Pénitent blanc, refusa le serment. Prieur attentif à la situation de ses confrères, il fit faire une collecte afin d’aider les plus pauvres frappés par la crise économique. Cette année-là, dans un climat marqué par la misogynie grandissante des soi-disant Patriotes, les sœurs Pénitentes blanches n'élirent plus leurs officiers. La dernière admission de femme remontait à 1790.
Mais la délibération du 22 mai 1791 marqua le retour des soi-disant patriotes, soutenus par la Garde nationale, milice armée dont le prieur Estorc était colonel général. La présence d’un aumônier rebelle à la loi y fut dénoncée et les décisions prises depuis un mois annulées. La réunion s’acheva avec l’arrivée d’une délégation des Pénitents Bleus venue annoncer leur ralliement à l’évêque constitutionnel. Peu après, l’abbé Martel, mis en demeure de se prononcer sur le serment, le refusa à nouveau et démissionna, suivi par une majorité de frères, comme le montre l’effondrement du nombre de cotisations payées à partir de cette date. Les officiers restant firent allégeance au clergé constitutionnel. Après ces événements, les délibérations furent très courtes ne parlant que d’affaires courantes, la dernière, le 22 avril 1792, ne traita que de questions financières banales. Puis, le 18 août, un décret de l’assemblée nationale supprima toutes les confréries. La chapelle fut vendue comme bien national en 1793. Mais les frères les plus fidèles continuèrent à se réunir épisodiquement, en secret, à leur domicile. Ils faisaient vivre l’idéal de la Confrérie malgré les persécutions. Puis, sous le nom de "Société des frères, parents et amis réunis", ils louèrent clandestinement l’église de l’Observance. Ils revenaient ainsi à l’emplacement de l’église qui avait accueilli les Frères de la Pénitence du Moyen Âge, et priaient juste au-dessus de la dépouille de Charles Bonaparte, père de Napoléon. Ils furent rejoints par d’autres fidèles, notamment d’anciens Pénitents Bleus. Puis ils se retrouvèrent dans un local Boulevard Henri IV, impasse du Jardin des Plantes. La Confrérie compta six frères et une sœur guillotinés sous le Terreur en raison de leur foi ou de leur fidélité au roi. À l’opposé deux autres frères, Antoine Bonnier d’Alco et Jean-Jacques-Régis de Cambacérès, votèrent la mort de Louis XVI (avec sursis pour ce dernier) et bien d’autres s’engagèrent avec conviction dans la Révolution. Certains participèrent au pillage des œuvres d’art des églises, dont celles de la chapelle. C’est même un ancien frère qui fit l’estimation des bâtiments de la chapelle en vue de la vente comme bien national. Ne connaissant pas ces motivations, il est cependant possible qu’il ait agi ainsi pour tenter de la protéger du pire.
Ainsi les Pénitentes et les Pénitents blancs étaient plus de mille cinq cent à la veille de la Révolution et continuèrent à recruter dans tous les milieux. La noblesse y côtoyait le monde des petits artisans, des simples commis ou des apprentis. Si beaucoup d'officiers de la Confrérie étaient des magistrats de la Cour des Comptes Aides et Finance, c'est parce que les frais de fonctionnement courant étaient à la charge de ceux qui exerçaient certaines de ses fonctions. Le budget de la Confrérie était en effet destiné aux oeuvres de bienfaisance et à l'entretien de la chapelle. Mais les offices de direction qui ne nécessitaient pas d'investissement financier furent occupés par toutes les classes sociales. Plusieurs importantes familles de la région, tels les Lacroix de Castries, les Polignac, les Belleval ou les Duvidal de Montferrier,… s’impliquèrent dans la vie de la Confrérie sur plusieurs générations, notamment comme visiteurs des malades. Maintenir un recrutement diversifié était indispensable à l’équilibre financier de la Confrérie car les dons des plus riches permettaient d'aider les plus pauvres. Afin de continuer à attirer une élite fortunée, la Confrérie chercha au XVIII° siècle l’adhésion de personnages prestigieux proches de la Cour que la réunion régulière des États de Languedoc amenèrent à Montpellier à partir de 1737. L’ensemble des membres de cette assemblée fut d’ailleurs symboliquement agrégé dans la Confrérie, ce qui reste un cas unique. Cela n’empêcha pas certains d’entre eux d’être admis plus tard à titre personnel. Cette recherche de soutiens alla, au milieu du XVIII° siècle, jusqu’à admettre des membres sans tenir aucun compte de leur vie spirituelle ou de leur pratique religieuse. Outre ses recrutements purement mondains, on put noter à la même époque la présence de nombreux Francs-Maçons. Cependant ce phénomène n’eut pas la même importance que dans certaines confréries provençales. Ces cas restèrent en effet largement minoritaires, y compris parmi les dirigeants de la Confrérie. Sur plus d’une centaine de nominations d’officiers de la Confrérie, 16 frères appartinrent aussi à des loges entre 1771 et 1792, mais seulement 9 eurent des engagements concomitants. En revanche, ces engagements croisés, qui iront croissant durant le siècle, ne seront pas étrangers aux prises de positions des uns et des autres au moment de la Révolution.
↑ Projet pour la construction de l'église Sainte-Eulalie (ADH), proche de celui réalisé entre 1741 et 1748. On y voit les caveaux et les fenêtres aujourd'hui bouchées du choeur. C'est l'agrandissement de la Place Royale du Peyroux qui avait obligé les Mercédaires à rebâtir leur couvent à cet emplacement.
← La façade de Ste Eulalie a peu changée depuis le XVIII° siècle. Mais à l'intérieur, tous les autels en marbre, les peintures et le mobilier saccagés ou volés à la Révolution ont été refaits au XIX° siècle.
Fondé au XIII° siècle à Barcelone par Pierre Nolasque, l'ordre de Notre Dame de la Merci avait pour mission principale de libérer les chrétiens réduits en esclavage. Fondés dans le contexte de la Reconquista, guerre de libération de la partie de l’Espagne occupée par les Maures, les Mercédaires y concentrèrent tout d’abord leurs efforts. Puis, à partir du XVI° siècle, ils durent intervenir dans les régences barbaresques (provinces ottomanes d’Alger, de Tunis et de Tripoli) dont les pirates capturèrent et réduisirent en esclavage 1 250 000 chrétiens entre 1530 et 1780, (Robert C. Davis – Esclaves chrétiens, maîtres musulmans). Si l’appât du gain était à la base de ce commerce, c’est au nom du jihad que les raïs maures débarquaient sur les rivages chrétiens, brûlant les villages, les églises et les monastères. Outre ses razzias qui dévastaient les côtes italiennes, espagnoles, grecques, corses, … et dans une moindre mesure française et anglaises, ils pratiquaient la course en mer, abordant les navires et capturant leurs occupants. Ces rapts, qui ne cessèrent qu’à la fin du XIX° siècle avec la colonisation, leur permettaient de réclamer des rançons. Ceux qui ne pouvaient pas les payer, c’est-à-dire l’immense majorité, ne pouvaient plus qu’espérer être rachetés grâce à leur famille ou grâce à la charité publique. Les enfants étaient très recherchés, les pirates n’hésitant pas, au moment de la capture, à menacer leurs parents afin d’obtenir une rançon importante ou les cachettes où se réfugiaient les villageois. Les esclaves, s’il n’était pas choisi par le sultan comme galériens, étaient vendus sur les marchés. Les femmes étaient utilisées comme servantes ou enfermées dans des harems. Beaucoup d’hommes étaient utilisés sur les galères privées des raïs ou comme manœuvres sur des chantiers et regagnaient leur bagne le soir. Ce fut le cas de Charles Augustin d’Aviler, un des architectes de la chapelle des Pénitents blancs, qui fut durant trois ans esclave à Tunis avant d'être racheté par les Trinitaires. Plus rarement, ils pouvaient être employés dans des exploitations agricoles. Une séparation stricte entre les sexes visait à empêcher la naissance d’enfants. Notre Dame de la Merci
Les mercédaires organisaient des expéditions, appelés rédemptions, afin de racheter les esclaves. Après avoir rencontré les captifs, les religieux négociaient le prix d’un lot. S’il n’avait pas les sommes nécessaires, ils restaient dans les bagnes en tant qu’otage. Plus d’une centaine d’entre eux mourut ainsi, comme Saint Sérapion, Saint Pierre Nonat ou Saint Guillaume-le-bas, prieur du couvent de Montpellier puis général de l’ordre. Puis ils rapatriaient les anciens esclaves, les soignaient et les rendaient à leurs familles. Ceux qui étaient trop malades pouvaient rester auprès des religieux. Au XVII° siècle, les Mercédaires purent établir des chapelles et des hôpitaux de fortune au cœur des bagnes. On estime qu’ils délivrèrent de 100 000 à 120 000 captifs de 1530 à 1780. Malgré leurs efforts, rares étaient les femmes qu’ils pouvaient approcher et sauver. L'ordre ne compta que quelques couvents en France, en raison de l’implantation forte des Trinitaires qui avait la même mission. Toutefois la Province de France mena 21 rédemptions entre 1574 et 1790 et libéra 1 300 captifs (L’ordre de La Merci en France1574-1792 - Hugues Cocard). Le chiffre global de 500 000 libérations entre le XIII° siècle et 1880, parfois évoqué au XIX° siècle, n’est pas vérifiable en raison du manque de documentation. Les moyens financiers de l’ordre provenaient des quêtes qu’il faisait dans les paroisses ou lors de grande procession, dite processions aux esclaves, marquant la fin des rédemptions. L’ordre se consacre aujourd’hui à la lutte contre les nouvelles formes d’esclavage.
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↑ Le Pape Pie VI, condamna la Constitution civile du clergé incompatible avec la foi catholique.
En application de la nouvelle loi, le clergé jureur devait remplacer les insermentés dans les différentes églises. À Montpellier, cette installation se fit sous la protection de l’armée, ce qui provoqua de nombreux incidents. Dans la Confrérie, lors des élections du 24 avril 1791, Louis Estorc fut élu prieur par une assemblée générale assez peu nombreuse. Durant la même séance, l’abbé Léger démissionna pour devenir vicaire général de l’évêque constitutionnel. Peu après, présenté par 200 frères, l’abbé Martel, un prêtre insermenté, fut désigné comme aumônier. Ce fut le début d’une série de délibérations dirigées par des Pénitents favorables au clergé réfractaire et fidèle au Pape, soutenus par un groupe d’officier de la Confrérie. Le nom du nouveau prieur, qui était absent lors de ces réunions, fut barré sur le registre. Le 8 mai, le frère Valédeau proposa d’accueillir à la chapelle les communautés privées de lieu de culte par les nouvelles lois.
Pour ces nouvelles règles, l’évêque s’inspira du modèle des confréries de Pénitents qui furent créées sous l’impulsion de son ami et modèle, Saint François de Sales. Comme cela avait déjà été initié en 1602, les offices ne furent plus chantés que lors des fêtes, mais un manuel de prière individuel, reprit des Jésuites, fit son apparition comme préambule à une nouvelle édition des Heures des Pénitents éditées en 1654, permettant à chacun de suivre les mêmes prières où qu’il soit. C’était une application du principe salésien d’adaptation de la dévotion à l’état de vie de chacun. Une version actualisée de ce manuel est toujours en usage aujourd’hui dans la Confrérie. Ainsi, jusqu’à la Révolution, les Pénitents blancs seront d’ardents défenseurs des règles rappelées et généralisées par le Saint Concile de Trente.
Si la Confrérie était résolument du parti catholique et cherchait activement la conversion des Protestants, c’est par la prière, la persuasion, la beauté des cérémonies et par la qualité de ces prédicateurs qu’elle espérait le faire. Dans les années 1650, des places en tribune, cachée derrière des croisillons, étaient réservées aux huguenots qui désiraient librement assister aux offices en toute discrétion. La Confrérie semble en cette matière avoir été influencée par les jésuites qui avaient leur collège à proximité et par les préceptes de Saint François de Sales : Tout par amour, rien par force. Persuadés de l’inutilité à long terme des conversions forcées, ils accueillaient avec joie celles librement consenties, comme en 1614 celle de trois pasteurs. Plusieurs de ces convertis furent admis dans la Confrérie sans faire mention de leur ancien état. En 1658, ils ressentirent comme une douloureuse trahison le fait que l’un des leurs se soit fait calviniste dans ses derniers jours. En revanche, à la demande de l’évêque, les Pénitents processionnèrent publiquement en 1673 au pied de la Croix dressée sur l’emplacement du Petit Temple Protestant détruit trois ans plus tôt. Cette cérémonie fut répétée en 1683 autour de la croix érigée sur les ruines du Grand Temple cette fois. Mais en 1685, les registres n’évoquent pas la révocation de l’édit de Nantes et la Confrérie ne participa pas aux mesures coercitives qui suivirent : conversions forcées avec assistance obligatoire à la messe, placements des enfants, …
Très attentif au devenir de la Confrérie, Monseigneur de Fenouillet améliora ses statuts en 1610, les rendant définitifs. Il n’y avait plus de restriction de métiers ou de statut social pour le recrutement, il fallait simplement mener une vie honeste et de bonne moeurs. Le nom de la Confrérie était désormais précédé de l’adjectif dévot (t) e, remplaçant l’expression ancienne de Confrérie pieuse. Les deux noms indiquaient que la mission principale de la confrérie était la prière et la louange de Dieu. Autre nouveauté, l’appellation Compagnie fit son apparition. Même s’ils ne sont pas exactement synonymes, les termes de confrérie ou parfois confrairie (communauté en tant que structure) ou de compagnie (l’union de l’ensemble des membres qui la compose) furent désormais utilisés alternativement pour désigner les Pénitents blancs.
Exemple de grande procession au milieu du XIX°s., les Pénitents blancs de Toulon lors de la Fête-Dieu.↑
↓ Chute accidentelle de la Croix du Peyroux durant la nuit du 23 septembre 1920. A l'arrière l'immeuble de la Caisse d'Epargne en construction. (Photo de l'Eclair, col. part.).
Jusqu'au changement de statuts de 1950, on comptabilisait non les membres à jour de cotisation, mais le nombre d'inscrits sur les registres supposés encore vivants. Mais comme les décès n'étaient pas régulièrement notés sur les registres et que nombre de frères ne payaient pas leur cotisations, le nombre de Pénitents n'était qu'estimation. La baisse entre 1933 et 2012 est fortement accentuée par la modification de ce mode de calcul intervenu en 1950 (ce changement n'exclue pas les anciens membres de la communauté de prière). Elle traduit aussi la fin du lien avec la mutuelle Sainte-Foy et la redéfinition des missions de la Confrérie qui s'en suivit. Le nombre de Pénitents a en fait augmenté depuis dix ans . |
Evolution du nombre de Pénitents blancs de Montpellier par rapport à la population de la ville |
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Année |
1517 |
1602 |
1687 |
1790 |
1811 |
1876 |
1933 |
2012 |
|
Nombre de frères |
40 |
44 |
440 |
1 2005 |
1491 |
1 500* |
1506 |
35 |
|
Nombre de sœurs |
? |
? |
? |
600* |
? |
1 000 |
3506 |
11 |
|
Nombre total |
40 |
44 |
440 |
1 800* |
|
2 500 |
5006 |
46 |
|
Nombre d'habitants |
13 000*1 |
20 000* |
22 000*2 |
29 500 |
|
55 258 |
86 9244 |
255 0803 |
|
Part de la population |
3,08 ‰ |
2,2 ‰ |
20 ‰ |
61,02 ‰ |
|
45,24 ‰ |
5,75 ‰ |
0,18 ‰ |
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* estimations, (1) : en 1470; (2) : en 1700; (3) : en 2009 ; (4) : en 1931 ; (5) D'après la déclaration du frère Thorel, le chiffre de 1500 est aussi couramment avancé ; (6) estimations fournies à l'évêché. |
Liste des Confréries affiliées aux Pénitents blancs de Montpellier avec leur date d'adhésion. |
Montbazin | 1822 | Grabels | 1862 | |||||
Lavérune | 1723 | Aniane | 1767 | Le Vigan (Gard) | 1806 | St Jean de Buèges | 1822 | Vendémian | 1863 |
Les Matelles | 1724 | Narbonne (Aude) | 1772 | Fabrègues | 1806 | Bouzigues | 1825 | N-D de la Boissière | 1864 |
Celleneuve | 1727 | Pignan | 1772 | Lodève | 1806 | Montpeyroux | 1825 | St Bauzille de Putois | 1867 |
Castelnau le Lez | 1727 | Lunel Viel | 1774 | Saint Bauzille de la Sylve | 1807 | Mèze | 1826 | St Jean de la Blaquières | 1873 |
Nîmes (Gard) | 1757 | Rabastens (Tarn) | 1778 | Servian | 1807 | Vic la Gardiole | 1826 | Castries | 1873 |
Lunel-ville | 1757 | Paulhan | 1784 | Tre(o)ignac (Corrèze) | 1808 | Pézenas | 1826 | St Brès | 1873 |
Cournonterral | 1757 | Florensac | 1787 | Mudaison | 1809 | Montferrier | 1827 | Castelnau de Guers | 1873 |
Frontignan | 1758 | Saint André de Sangonis | 1788 | Notre Dame de Londres | 1810 | Treillac | 1843 | Montagnac | 1873 |
Pompignan | 1758 | Lézignan la Cèbe | 1789 | St Pargoire | 1810 | Balaruc | 1849 | St Jean de Cuculle | 1874 |
Alès (Gard) | 1765 | Pérols | 1789 | St Jean de Bruel (Aveyron) | 1811 | Saussan | 1849 | Causse de la Selle | 1874 |
Béziers | 1765 | Aigues Morte (Gard) | 1804 | St Guilhem le Désert | 1812 | St Gervais (30) | Soubès | ||
Sète | 1766 | Agde | 1804 | St Martin de Londres | 1814 | Villeveyrac | 1851 | Brissac | 1874 |
Villeneuve les Maguelonne | 1766 | Lansargues | 1804 | Mireval | 1816 | Pomérols | 1852 | Des confréries comptaient une branche masculine et une autre féminine, ce qui porta le nombre d'affiliées à 80. | |
Poussan | 1767 | Saint Thibery | 1806 | St Jean de Fos | 1817 | Le Pouget | 1859 | ||
Viols le Fort | 1767 | Ganges | 1806 | St Gervais sur Marre | 1821 | Gigean | 1859 |
Un grand tapis au petit point, aujourd’hui à la tribune, porte au centre la devise de la Confrérie et sur les côtés des phylactères portant les noms des 72 villes et villages de Confréries associées. Parmi ceux-ci, Montferrier et Pompignan sont liés à Barthélémy Assié, un Pénitent du XVII° siècle. Ses descendants sont à l’origine d’une opération de mécénat pour restaurer l’autel de la Vierge de la chapelle. Le village de Pomérols, lui, rappelle le congrès des Pénitents qui s’y tint en 1911 et qui réunit plusieurs milliers de Pénitents de France, principalement blancs.
La mission mutualiste de la Confrérie connut de profondes transformations avec la séparation progressive de la Caisse Commune et de la Confrérie. En effet les évolutions de la législation rendirent de plus en plus nécessaire, à partir à la fin du XIX° siècle, la séparation de l’action mutualiste et des autres activités de la Confrérie. La Société de secours mutuel Sainte-Foy, du nom de la patronne de la chapelle, fut ainsi fondée en 1880 et dotée de statuts juridiques propres. Usuellement appelée La Sainte-Foy il s’agissait d’une mutuelle de santé (couvrant aussi l’invalidité) au sens contemporain du terme : Son but est d’assurer gratuitement à ses membres participants [cotisant], reconnus nécessiteux, des secours en cas de maladie, blessure ou infirmité. […] Tout membre ou tout salarié de la Confrérie [ou des 72 Confréries affiliées membre de l’Union des Pénitents blancs] peut demander à y adhérer, moyennant le paiement d’une cotisation spécifique et l’acceptation de sa candidature par le bureau. (Statuts de la Société de Secours Mutuel Sainte-Foy de 1904). Contrairement aux mutuelles actuelles, l’aide n’était pas automatique, mais conditionnée à l’état des ressources des membres. Les plus riches cotisants s’étaient donc volontairement exclus du principe des aides, concentrées sur les plus faibles. En revanche, dans la Confrérie, les visiteurs des malades continuaient à apporter à tous les frères et les sœurs un soutien spirituel et fraternel.
En 1911, la Sainte-Foy absorba la mutuelle Saint-Vincent, en difficulté financière, qui dépendait des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul avec qui la Confrérie menait des actions communes depuis plus d’un siècle. Il n’était plus désormais nécessaire d’être Pénitent pour adhérer à la mutuelle, mais les administrateurs étaient obligatoirement des frères et des sœurs. En 1925 les Pénitents bleus de Montpellier y adhérèrent, ce qui amena une modification de ses statuts. Le conseil d’administration de la mutuelle compta désormais 5 Pénitents blancs, 3 Pénitents Bleus, 2 Pénitentes blanches et 2 Pénitentes Bleues. Ayant adhéré au groupement de la Mutualité Française, la Sainte-Foy dépendit directement de la Confrérie jusqu’en 1963. Mais à cette date, les bouleversements économiques amenèrent différentes mutuelles régionales à se réunir pour fonder l’Union d’œuvres Sociales Mutualiste (U.O.S.M.) qui devint plus tard le groupe Languedoc Mutualité.
Cette séparation définitive amena la Confrérie à redéfinir une nouvelle fois ses actions et ses activités. Elle se replia un temps sur la gestion quotidienne des offices célébrés à la chapelle avant de retrouver des missions plus diversifiées.
Les sœurs Pénitentes blanches de Montpellier, après avoir disparu dans les années 1970 par défaut de recrutement, ont repris leurs activités dans les années 1990. La Confrérie ne forme plus aujourd'hui qu'une seule entité comptant des sœurs et des frères.
Références des illustrations de cette page.
I INTRODUCTION : LES ORIGINES DES CONFRÉRIES DE PÉNITENCE
Innocent III : Anonyme, fresque du XIII° siècle, grotte de l'Abbaye territoriale de Subiaco, Italie.
Saint Hommebon : Pietro LIANORI, panneau de retable, vers 1420. Avignon, Musée du Petit Palais.
Honorius III : Giotto di Bondone, 1297-1300, fresques de la basilique supérieure de Saint-François à Saint-François-d'Assise, Italie.
Vision de Saint Bonaventure, insigne du Gonfalon : Photographies privées de la façade sur la rue de l'Oratoire du Gonfalon sur la via dei Bresciani, Rome.
Saint Bonaventure : Vittore Crivelli, Panneau de retable, 1481, Philadelphia Museum of Art.
II LE PROBLEME DES ORIGINES DES PENITENTS BLANCS DE MONTPELLIER
Saint Antoine de Padoue : Benozzo Gozzoli, fresque 1450, basilique Santa Maria in Aracoeli, Rome.
Saint François d'Assise : Giotto di Bondone, 1297-1300, fresques de la basilique supérieure de Saint-François à Saint-François-d'Assise, Italie.
V L'EXPANSION DE LA CONFRÉRIE 1623 - 1789
Magistrats de la Cour des Comptes, Aide et Finance de Montpellier : Extrait de l'ouvrage La Cour des Comptes Aides et Finances de Montpellier, Pierre Viales, Montpellier 1921.
Marià Caterina Brignole-Sale : Ecole française du XVIII° siècle, Principaute de Monaco.
François Gigot de Lapeyronie : Hyacinthe Rigaud, Faculté de Médecine de Montpellier.
La duchesse de Fitz James : Miniature sur ivoire, XVIII° siècle, col. part.
S.E.R. le cardinal de la Roche Aymon : Alexandre Roslin, The Fine Arts Museums of San Francisco
Antoine Louis Séguier : Copie d'après Louis Vigée, vers 1760, col. part.
Tenue du régiment de Touraine : Dessin aquarellé repris de plusieur sites internets sur la Guerre d'Indépendance et le siège de Yorktown.
VI LA TOURMENTE RÉVOLUTIONNAIRE ET LA RENAISSANCE DE LA CONFRÉRIE
Louis XVI : Détail de la gravure "Le départ ou le Patriotisme Français" (col. part.) d'après le tableau d'Alexandre Wille, 1785
Pie VI : Ecole italienne, vers 1775, Musée du Vatican.
S.E.R. le cardinal Jean Jacques Régis de Cambacérès : Gravure col. part.
Armes des Princes de Radziwill : Site officiel des Princes de Radziwill
Maurice Riban : Photographie d'un buste par Pajou, aujourd'hui conservé au Musée de Vizille
Jean-Baptiste Riban : Photographie d'un buste par Pajou aujourd'hui conservé au Musée Fabre, Montpellier.
← Pile BUNSEN produisant du courant 1,9 volt continu. → Dynamo de Zénobe GRAMME à courant alternatif. Elle pouvait être équipée d'un moteur à vapeur. Plongée dans une semi-obscurité à la suite de la fermeture de ses fenêtres sud, la chapelle des Pénitents blancs reçut très tôt une illumination électrique, dès 1876, installée par des soldats du Génie. La première expérience ayant produit un arc électrique fut menée en 1813 par Humphry DAVY, mais ce ne fut qu’en 1844 que Léon FOUCAULT mit au point la lampe à arc. Son fonctionnement fut facilité par l’ajout d’un régulateur* en 1845, amélioré en 1849. Ces lampes servirent alors pour des effets de scène de courte durée imitant la foudre, des arcs-en-ciel ou d’autres phénomènes naturels. Puis en 1870 Victor SERRIN mit au point une version permettant d’éclairer plus longtemps de vastes espaces comme des chantiers ou les expositions internationales. La première utilisation d’ampleur en éclairage intérieur date du 5 janvier 1875 pour l’inauguration de l’Opéra Garnier, toujours pour des effets de scène. Mais ces applications montrèrent aussi les limites de l’alimentation par piles à dépolarisant nitrique (Zinc amalgamé-acide sulfurique/charbon de cornue-acide nitrique). Inventée par Wilhelm BUNSEN en 1841, ces piles étaient puissantes mais produisaient des émanations nitreuses et acides très toxiques que l’on tenta, dans les sous-sols de l’Opéra, de combattre par des évaporations d’ammoniac. En outre, les lampes à arc, seules disponibles (l’ampoule à filament inventée par SWAN en 1879 ne fut fiabilisée par EDISON qu’en 1882) peinaient à maintenir une lumière constante. Pour en revenir aux Pénitents blancs de Montpellier, un article de l’Union Nationale du 26 mars 1876 décrit la combinaison des illuminations à la bougie et à l’électricité mises en place à l’occasion de l’Adoration Perpétuelle du Saint Sacrement dans l’élégante chapelle de la rue Sainte-Foy. L’auteur, l’avocat Henri DELPECH, n’y évoque pas de questions techniques, mais sa description et les appareillages disponibles en 1876 nous permettent d’en avoir une idée assez précise. La mention de l’aspect tremblotant, mystérieux, presque fantastique de ce genre de lumière colorée confirme l’emploie des puissantes mais peu stables lampes à arc avec régulateur. Il aurait pu s’agir du type Foucault-Duboscq disponibles en diverses versions destinées à produire des lumières colorées. Cela correspondrait à la mention d’un filtre rouge qui adoucissait la lumière bleuâtre de ce type de lampe, lui donnant, selon l’auteur, une nuance pourpre que le regard pouvait à peine soutenir. Mais le régulateur de type Serrin était couramment utilisé par les soldats du Génie qui réalisèrent l’installation de la chapelle et qui auraient pu lui adjoindre un filtre. Un déflecteur placé à l’arrière permettait de concentrer et de diriger l’éclairage sur l’ostensoir. En l’absence de réseau électrique, le premier à Montpellier servit en 1897 à l’alimentation du tramway, ce fut soit une Dynamo de Gramme, soit plus vraisemblablement une série de piles, qui dut fournir le courant. Le tout fut placé sur la tribune. Ce n’est toutefois qu’à partir de 1911 que sera mise en place la première installation fixe, dont l’essentiel est encore en place (voir la section chapelle de ce site).
← Lampe à arc avec régulateur Foucault - Duboscq. La Maison Duboscq développa à partir de 1852 une gamme de lampes pour effets de scènes, utilisation bien adaptée à l'usure rapide des électrode : avec un diffuseur ↑, effet de lever de soleil et avec lentille et prisme ↑ un arc-en-ciel → Le régulateur Serrin, plus stable et plus puissant, était adapté à un usage industriel. Les charbons de ces électrodes s'usaient aussi moins vite. Il pouvait être alimenté par des pile ou avec une dynamo de Gramme.
Pour nous remettre dans le contexte d’une illumination à l’intérieur d’un bâtiment en 1876, rappelons que ce n’est que deux ans plus tard, en 1878, grâce à la bougie de JABLOCHKOFF (une ampoule à arc stable sans régulateur brevetée en 1876) et au progrès des génératrices, que le premier éclairage public à l’électricité de Paris sera installé, à l’essai, sur l’avenue de l’Opéra. Les grands magasins de la capitale suivront bientôt, dès le début des années 1880. * Un régulateur est un dispositif destiné à maintenir un écartement constant entre l’anode et la cathode de la lampe dont le graphite se consume rapidement (et asymétriquement avec du courant continu) en cours d’utilisation. Inventé par Thomas WRIGHT en 1845, le premier modèle fiable fut mis au point par Léon FOUCAULT et produit par Jules DUBOSCQ en 1849. Il fut amélioré par Victor SERRIN en 1870 en vue d’une utilisation industrielle grâce à la combinaison de divers mouvements d’horlogerie et de deux systèmes antagonistes composés de ressorts d’un électroaimant dont la force variait avec l’intensité de l’arc. Toutefois le système restait sensible à la présence d’impuretés dans les charbons des électrodes, induisant alors de fortes variations de l’intensité de la lumière.
← Batterie de piles Bunsen dans les sous-sols de l'Opéra Garnier en 1875. Placées sur des tables, ces piles devaient être régulièrement rechargées en acide sulfurique et nitrique. Des baquets d'ammoniac étaient censés lutter contre les émanations acides.
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Professions des Pénitents blancs de Montpellier en 1908, d'après leurs déclarations. |
Localisation |
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Avocats, avoués |
4 | Notaires | 2 | Imprimeur | 1 | Banquier | 1 | Menuisier | 1 | Quartier de la chapelle | 45 |
Marchands en gros | 3 | Magasin d'habillement | 2 | Epicier | 1 | Vétérinaire | 1 | Peintre en bâtiment | 1 | Autres quartiers de l'écusson | 32 |
Médecins | 3 | Meubles, décoration | 2 | Industriel | 1 | Vendeurs d'automobile | 1 | Organiste | 1 | Montpellier hors écusson | 28 |
Assureurs |
3 | Prêtre | 1 | Bijoutier | 1 | Architecte | 1 | Divers ou non déclarés | 77 | Baillargues | 1 |
Dans les non déclarés, on trouve des propriètaires, des rentiers, mais aussi des employés et des artisans. | Total | 107 |
Un frère n'a pas déclaré son adresse. |
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Ce chiffre de 107 est celui des membres adhérents qui ont répondu, il est donc plus facilement comparable avec nos chiffres actuels, même si ceux qui se sont déclarés n'étaient pas tous à jour de cotisation, contrairement à ce qui est actuellement exigé. Les contemporains regrétèrent fortement la désafection des couches populaires depuis l'interdiction des processions et des enterrements en 1880. En outre au début du XX° siècle, il n'était déjà plus nécessaire d'être Pénitent blanc de Montpellier pour adhérer à la mutuelle Sainte-Foy. |
Le quartier, plus peuplé qu'aujourd'hui, fournissait une grande partie des frères, ce qui n'est plus vrai actuellement. |
↑Blason de S.E. Mgr Renée-Pierre MIGNEN
Après la défaite de juin 1940, la Confrérie fit dire des messes pour les prisonniers de guerre et leur fit envoyer des colis via la Croix Rouge Française. Devant la misère grandissante, elle vota des secours spéciaux pour les nécessiteux. En décembre 1940, sur la proposition des sœurs Durand de Girard et Lassere, les Pénitents vinrent en outre en aide à la fondation des jardins ouvriers du comte d'Espous, qui permettait à des familles de cultiver un petit potager en ses temps de restrictions. Les distributions de pains auxpauvres ne cessèrent d’augmenter et furent maintenues dans les premiers mois après la Libération. En 1943 la Confrérie aida aussi les victimes des bombardements. Ainsi la Confrérie se concentra sur l’action caritative, même si plusieurs Pénitents s’impliquèrent, à titre personnel, dans le déroulement des événements. Après l’invasion de la zone sud par les troupes allemandes, la Confrérie organisa avec le R.P. Bonnet une procession à Figuerolles. Il s’agissait d’une protestation symbolique contrevenant délibérément à l’interdiction des rassemblements sur la voie publique dans les villes importantes.
La Confrèrie compta plusieurs historiens aux XIX° et XX° siècle.
↑Louise Guiraud (1860-1918). Ses recherches sur Montpellier sont toujours utilisées aujourd'hui. ↓Son adhésion à la Confrérie.
↓Augustin Fliche (1884-1951) Historien de renom, il rédigea avec Victor Maqrtin une monumentale Histoire de l'Eglise.
QUELQUES CHIFFRES